Investir en ETF revient dans certains cas à abandonner ses droits de vote ce qui a un impact important sur la gouvernance des entreprises
Nous allons voir dans cet article un aspect très rarement abordé (voire jamais) que pose la gestion passive (ETF notamment) dans les problématiques de gouvernance des entreprises. Au travers de chaque investissement qui ne se fait pas en direct, l’investisseur donne un pouvoir de représentation. Ce pouvoir caractérisé par le droit de vote permet le véritable contrôle des entreprises. Unitairement ce droit de vote n’a que peu d’impact et donc peu de valeur. Tout comme le vote que nous pouvons avoir lors d’une élection présidentielle par exemple. Un vote isolé ne change pas grand chose.
Cependant l'agrégation d’un très grand nombre de ces votes a une fonction d’utilité toute différente. Le pouvoir conféré par la consolidation de ces droits de vote entre les mains de certaines entités (sponsor d'ETF, sociétés de gestion...) ou personnes devient alors discutable et même à mes yeux dangereux. Cet article a pour but d’informer le lecteur sur l’aléa moral de ne pas investir en direct dans une action et ses conséquences. A l’heure où la notion d’investissement responsable semble devenir un critère pour tous, vous aurez à l’issue de cette lecture des éléments de réflexion pour savoir si oui ou non vous êtes confortables avec l’idée de donner votre droit de vote lorsque vous investissez au travers de fonds et ETF portant sur des sous-jacents actions.
Les droits de votes - le véritable contrôle d’une entreprise
Être actionnaire d’une entreprise, c’est avoir des droits (percevoir un dividende, des droits de vote, de représentation…) mais aussi des devoirs (principalement au sens moral du terme). Nous allons au travers de quelques exemples concrets vous montrer comment fonctionnent les systèmes de gouvernance des grandes entreprises et surtout l’importance des droits de vote.
Amazon
Actionnaires Amazon (source Bloomberg)
Le divorce entre Jeff Bezos, fondateur d'Amazon, et sa femme MacKenzie Scott a fait grand bruit dans la presse people. Le jugement a été donné dans lequel Jeff Bezos accepte de donner 25% de ses actions Amazon à sa femme pour clôturer le divorce. Soit un montant d’environ 50 milliards de dollars au moment de l’écriture de cet article (Mars 2021). Cependant, un détail vous aura peut-être échappé concernant les actions Amazon récupérées par son ex-femme. Elles ne sont associées à aucun droit de vote. L’intégralité des droits de vote a été conservée par Jeff Bezos. La valeur de ses droits de vote aux yeux de Jeff Bezos peut donc apparaître plus importante que le pur aspect financier des actions.
Renault
Actionnaires Renault (source Bloomberg)
L’exemple de Renault est tout simplement édifiant mais relativement complexe à comprendre dans son intégralité pour les non-initiés. L’Etat français pense avant tout à son calendrier électoral pas nécessairement à servir les intérêts des entreprises. Alors évidemment les fermetures d’usines en France cela fait mauvais genre pour se faire réélire. Pour empêcher les entreprises de prendre ces décisions certes difficiles mais parfois nécessaires, tous les coups sont permis pour justifier l’ingérence étatique. La loi Florange s’articule autour de ce désir protectionniste et subtile à comprendre pour les actionnaires individuels. Nous reviendrons plus loin dans cet article sur cette loi qui illustre cette bataille d’influence autour des droits de vote.
Une loi pour doubler ses droits de vote
Pour résumer, en promulguant cette loi, cela a permis à l’Etat de doubler ses droits de vote dans Renault. Cela lui permet d’augmenter ainsi son influence face à Nissan qui ne dispose d’aucun droit de vote direct. Comme vous pouvez vous en douter, le Japon n’a pas vu cela d’un très bon œil. Le contrôle des droits de vote (et non du capital) est la véritable bataille que se livrent les différents gros actionnaires. Peut-être que cela a pu être l’élément déclencheur ayant entraîné la détention de Carlos Ghosn au Japon. Si vous étiez actionnaire de Renault (directement ou indirectement) à ce moment-là, je ne pense pas que l’on vous ait demandé votre avis alors même que c’était d’une importance essentielle.
Le résultat quelques années plus tard n'étonne personne (en tous les cas ne devrait pas). Mais lorsque l’Etat “stratège” cherche à mettre son nez dans les entreprises privées, cela se passe souvent très mal pour l’actionnaire. Il vous suffit de regarder le cours de bourse de Renault et des autres entreprises dans lesquelles l’Etat est actionnaire pour en voir le triste résultat. Nous avions d’ailleurs retenu ce critère dans la constitution de notre portefeuille PEA idéal.
Danone
Actionnaires Danone (source Bloomberg)
En ce début d’année 2021, l’affaire Danone a fait office de cas d’école pour ce qui est des guerres d’influence pour la gouvernance des entreprises. Cette influence de certains actionnaires a coûté son poste de directeur général à Emmanuel Faber. Ces fonds activistes deviennent les chefs d’orchestre des gouvernances des entreprises. Je ne dis pas que c’est une bonne ou une mauvaise chose mais qu’il s’agit juste d’un fait. Il est normal et légitime qu’un actionnaire ait son mot à dire sur la gestion d’une entreprise. Autant la position du fond activiste est défendable. Autant, celle représentant des fonds “passifs” l’est moins comme nous allons le voir plus loin dans cet article.
Actionnaires Google GOOG US (source Bloomberg)
Si vous avez déjà investi dans l’action Google, vous avez surement dû remarquer qu’il existe deux actions qu’il vous est possible d’acheter. En réalité, il existe même 3 catégories d’actions différentes pour Google :
- GOOGL, actions de classe A associées à 1 droit de vote chacune (listées sur le marché américain)
- Actions de classe B associées à 10 droits de votes chacune (non listées)
- GOOG actions de classe C ne donnant droit à aucun droit de vote (listées sur le marché américain)
Comme vous pouvez vous en douter, les fondateurs de Google, Larry Page et Sergey Brin détiennent la grande majorité des actions de classe B. Cela leur permet de disposer de plus de la majorité des droits de vote de la société et donc de contrôler Google même s’il ne détiennent “que” 15% du capital. Là encore, les droits de vote plus que le capital représentent le véritable contrôle de la société.
Actionnaires Facebook classe A (source Bloomberg)
Le cas de Facebook est sensiblement le même que pour les autres géants de la tech susmentionnés. Il existe deux classes d’actions distinctes (A et B). Les actions de classe B sont associées à 10 droits de vote par action par opposition aux actions de classe A qui respectent la parité 1 action, 1 droit de vote. Les actions de classe B sont détenues par les dirigeants de Facebook. Notamment Mark Zuckerberg qui en détient 75% lui assurant ainsi le contrôle de 58% des droits de vote de la société, soit la majorité absolue. Dit autrement, il est le seul maître à bord sans aucun contre-pouvoir.
À la recherche des droits de vote des investisseurs individuels
Ces quelques exemples en guise d’introduction sont mentionnés pour attirer votre attention sur l’importance des droits de vote dans la gouvernance des entreprises ainsi que les enjeux que cela représente. Le véritable pouvoir de contrôle d’une entreprise ne se joue pas nécessairement au niveau du capital mais plutôt au niveau des droits de vote. Nous allons maintenant voir comment le monde des produits d’investissement utilise ces droits de vote souvent à l’insu des investisseurs finaux. Nous attirons aussi votre attention sur certains actionnaires qui sont présents systématiquement dans les exemples mentionnés.
Etes-vous invités aux assemblées générales?
J’invite maintenant le lecteur à se poser la question suivante. Au cours de votre vie vous avez très certainement été actionnaires, que ce soit directement ou indirectement. Peut-être avez-vous un PEA, Compte Titres Ordinaire, Assurance vie en unité de compte, PEE, PERCO, PER ou encore des produits de défiscalisation tel que les FCPI…
Combien de fois avez-vous été conviés aux assemblées générales (AG) des actionnaires? Combien de fois avez-vous voté pour cette AG?
Cas particulier des parts sociales de votre banque
Une exception vient des parts sociales que vous avez pu acheter auprès de votre banque mutualiste. C’est une pratique répandue de demander à ses clients de souscrire à des parts sociales de sa banque. Dans ce cas, vous devez recevoir régulièrement des informations par courrier ou par email vous notifiant les assemblées générales et les votes associés.
Feuille de route pour notre enquête
Après une petite analyse, hormis le cas particulier des parts sociales et de certains PEE permettant d’investir dans sa propre entreprise, l’ensemble des investissements dans les marchés actions ne se fait pas en direct pour l’investisseur. Nous allons donc analyser les différents cas que sont :
- Achat d’actions en direct dans un CTO ou PEA par exemple
- Investissement via des fonds (SICAV, OPCVM, FCP) ou unités de comptes en assurance-vie
- Investissement dans des fonds “passifs” tel que les ETF / trackers
- Actions utilisées pas les départements de trading actions des banques d’investissement
Achat d’actions en direct la seule option pour contrôler vos droits de vote
Vous êtes investisseurs et vous disposez d’un compte titres ordinaires (CTO), PEA et/ou PEA-PME dans lesquels vous choisissez vous-mêmes les actions que vous achetez. Vous percevez les dividendes et recevez les informations pour les différentes opérations sur titres. Mais recevez-vous les convocations aux assemblées générales ? Recevez-vous l’ordre du jour pour lequel vous disposez d’un droit de vote relatif aux différentes questions abordées lors de cette AG?
La réponse est généralement NON.
Enregistrement de ses titres au nominatif
Pour recevoir ces précieuses informations, il vous faut au préalable enregistrer vos titres au nominatif ou au nominatif pur. Par défaut, lorsque vous achetez une action via votre banque, celle-ci est enregistrée “au porteur”. Cela signifie que les titres ne sont pas enregistrés à votre nom mais à celui du dépositaire de vos titres (Caceis par exemple). L’entreprise dont vous êtes actionnaires ne peut donc pas savoir qui vous êtes. Par conséquent, elle ne connaît pas votre adresse pour vous adresser la convocation à l’AG.
Les dépositaires des titres enregistrés “au porteur” ne peuvent cependant pas utiliser les droits de vote associés à vos actions. On peut donc résumer que l’ensemble des droits de vote associés aux titres enregistrés “au porteur” sont ainsi perdus. C'est-à-dire inutilisés.
On peut noter que l’investissement en direct dans les actions est très peu développé chez les investisseurs particuliers. En effet, l’industrie financière cherche principalement à capter l’argent investi au travers de fonds divers et variés sur lesquels il est très simple de prélever des frais.
Investissement via des fonds (sauf ETF): l’abandon de vos droits de vote
Ces produits constituent la grande majorité de l’investissement issu des banques de réseaux mais pas seulement. On y retrouve notamment l’argent des assurances vie en unités de compte, de l’épargne salariale (PEE, PERCO, Article 83…), les placements retraite (PER) et de façon générale tous les investissements de type OPCVM investis en actions.
Lorsque vous investissez votre argent au travers de ces produits vous n’êtes pas propriétaires des actions sous-jacentes. Vous êtes seulement propriétaires des parts du fond. Les frais que l’on vous facture pour cela ne sont pas le sujet ici. La question qui se pose est celle de la représentativité et des conséquences pour la gouvernance des entreprises. Vous devez avoir conscience que lorsque vous investissez ainsi, vous DONNEZ par construction vos droits de vote à la société de gestion qui gère le fond en question dans lequel vous avez investi.
Des conséquences différentes selon les fonds et les sociétés de gestion pour les droits de vote
A ce stade de l’analyse, nous pouvons poser plusieurs questions :
- La stratégie d’investissement de la société de gestion est-elle “active” ou “passive”?
- La stratégie du fond est-elle répliquée de façon physique (détention des actions en direct) ou de façon synthétique (via des produits dérivés)?
- Les investissements sont-ils réalisés de façon discrétionnaire ou bien de façon quantitative?
- La société de gestion utilise-t-elle ses droits de vote in-fine?
Le diagramme ci-dessous permet de synthétiser ces différents scénarios.
Le contrôle des droits de vote concerne donc essentiellement les fonds à réplication physique. Il n’est pas évident de savoir si les sociétés de gestion ont une politique active sur la gouvernance des entreprises pour lesquelles elles sont actionnaires. Il s’agit d'une analyse qui doit être faite au cas par cas. Les fonds dits “activistes” accordent une grande importance à leur pouvoir d’influence sur la société (cf. exemple de Danone).
Au cours de ma carrière j’ai pu constater que certains fonds avaient pour habitude de systématiquement “rappeler” leurs titres qui étaient prêtés aux desks d’Equity Finance des banques d’investissement pour voter aux AG. À noter que, l’activité de prêt emprunt de titres autour des dates d’AG est de plus en plus encadrée et contrôlée.
Comme vous pouvez vous en douter, généralement, les sociétés de gestion votent selon leurs convictions avec le pouvoir que vous leur avez confié. Investir au travers d’un fond c’est donner pouvoir (mandat) à la société de gestion pour utiliser votre droit de vote en son nom (délégation).
Gestion active versus gestion passive
Cette distinction sur le mode de gestion est à mon sens importante. En effet, si vous investissez sur un fond à gestion dite “active”, il y a un contrat moral implicite. Vous donnez ainsi mandat au gestionnaire pour prendre toutes les décisions nécessaires pour faire les meilleurs investissements. On peut tout à fait accepter que cela implique une démarche “activiste” dans les sociétés dans lesquelles le gestionnaire choisit d’investir de façon discrétionnaire. Et donc, une utilisation des droits de vote qui lui sont conférés par l’argent de ses clients pour orienter les choix qui lui semblent pertinents lors des AG des différentes sociétés.
Pour ma part, investir dans une société c’est avant tout investir dans l’humain et dans une vision stratégique. Le choix du management est primordial dans une entreprise pour sa réussite. Il est donc normal que l’actionnaire “actif” ait son mot à dire dans les AG.
A l’opposé, une gestion “passive” ne se voit pas associée à un mandat de délégation de représentation pour avoir quelque chose à redire sur la gouvernance des entreprises. Ce point nous amène tout naturellement au paragraphe suivant sur la question épineuse des ETF.
Gestion passive, ETF et trackers actions, quelles conséquences pour les droits de vote?
L’augmentation de l’AUM (Asset Under Management) pour les ETF a été fulgurante au cours des 20 dernières années comme le montre le graphique ci-dessous.
Évolution des encours sous gestion des ETF dans le monde
Les ETF, un marché très concentré
Il est intéressant de remarquer que 75% des ETF portent sur des sous-jacents actions ce qui peut interpeller. Un autre point important est de savoir que pour un indice donné (le CAC 40 par exemple), le premier ETF en terme de capitalisation boursière va généralement être loin devant le second qui lui même sera loin devant le troisième etc. Avec les ETF nous sommes proches d’un modèle “winner takes it all”. Le modèle de développement des ETF a donc pour conséquence d’augmenter la concentration des encours dans les mains d’un nombre réduit de participants. Les plus grosses sociétés de gestion d'actifs au monde gèrent des montants vertigineux de plusieurs milliers de milliards.
Les ETF répondent clairement à un besoin du marché qui était la simplicité d’investir sur des indices actions de façon simple, peu cher et liquide. Ces ETF / trackers font généralement ce que l’on appelle de la réplication passive. Cette réplication peut être réalisée soit physiquement, soit synthétiquement. Vous pouvez vous reporter aux articles que nous avions écrits sur le sujet si vous souhaitez comprendre la distinction. Lorsque l’ETF est répliqué synthétiquement, la société de gestion n’est pas propriétaire des actions. La réplication est réalisée au travers d’un produit dérivé (Total Return Swap). La contrepartie de ce produit dérivé est généralement une banque d’investissement via son département de trading actions.
Les droits de vote dans la stratégie de conquête des ETF
Ce qui nous intéresse dans notre enquête, ce sont évidemment les ETF actions à réplication physique. Si vous avez lu nos 2 premiers articles sur les ETF, nous avions énoncé certaines raisons qui pouvaient justifier qu’une société émettrice d’un ETF choisisse une réplication physique plutôt que synthétique. Le contrôle des droits de vote au travers de l’investissement via les ETF est une autre raison stratégique. Cette dernière s’avère être centrale, notamment pour le contrôle des marchés domestiques.
Lorsque vous investissez dans un ETF à réplication physique, par construction, vous donnez vos droits de vote au gestionnaire d’actif (Amundi, IShares/Blackrock, Vanguard, State Street…).
Les ETF sont-ils des fonds passifs et activistes?
Un ETF est qualifié injustement à mon sens de réplication passive. Car cette gestion sous-jacente des actifs des ETF n’est pas toujours si passive que cela. Les propos récents de Larry Fink (CEO de Blackrock) le montrent clairement. Ces gestionnaires d'actifs bénéficient d’un pouvoir immense que leur confèrent les millions de particuliers qui investissent au travers de leur produits (ETF actions notamment). Les investisseurs sont-ils conscients qu’en procédant ainsi ils permettent à ces sociétés de gestion d’actifs de s’approprier un pouvoir d’influence immense sur les entreprises? Ce pouvoir leur permet d’avancer leurs agendas personnels fussent-il politiques, idéologiques ou sociaux?
Le sujet du Grand reset qui semble correspondre à l'idéologie que porte le CEO de Blackrock ne me réjouit pas. Personnellement je ne partage pas les idéologies que Blackrock (et d’autres) souhaite(nt) imposer aux sociétés dans lesquelles ils sont actionnaires. L’aléa moral (puisqu’il est ici question de sens moral et de responsabilité individuelle) m’oblige donc à éviter autant que possible ces ETF. Certes, cela a parfois un coût.
Mais posez-vous cette question :
Seriez-vous prêts à vendre ou à donner votre droit de vote à n’importe qui pour une élection présidentielle?
La différence entre ne pas voter ou bien donner aveuglément son droit de vote à une autre personne ou entité est immense et peut s’avérer très dangereuse à mon sens.
Un cheval de Troie?
A l’image de ce que peuvent être les réseaux sociaux tels que Facebook pour notre vie privée, les ETF ne seraient-ils pas une sorte de cheval de Troie? Un subtil leurre permettant à certains pouvoirs de pénétrer et d’influencer sur la gouvernance des entreprises d’un pays?
Il est aujourd’hui légitime de se poser la question. J’aurais un biais pour penser que oui et les différentes lois et interdictions qui ont émergé abondent en ce sens.
Comme cela avait été expliqué dans notre article sur les ETF, il n’est pas possible pour un européen d’investir dans un ETF listé aux Etats-Unis. Les raisons? Mesure protectionniste peut-être. Ou bien une volonté de nos dirigeants de ne pas utiliser l’épargne européenne pour donner encore plus de pouvoirs aux géants américains?
La contre-attaque est cependant lancée avec une volonté de créer des contre pouvoirs en misant sur certains majors français (Lyxor, Amundi) pour capter ce pouvoir et protéger ainsi les marchés domestiques des influences étrangères.
La loi Florange
Ces influences étrangères au capital de nos sociétés françaises par exemple, ne sont jamais vues d'un bon œil par le gouvernement en place. Voyant le danger potentiel se profiler à l’horizon, le gouvernement français a fait voter en 2014 la loi Florange. Depuis le 3 avril 2016, les actionnaires de sociétés cotées détenteurs de leurs titres depuis au moins deux ans (au nominatif) bénéficient de droits de vote double. Sauf disposition contraire expressément inscrite dans les statuts consécutivement à un vote en assemblée générale à la majorité des deux tiers.
Cette loi permet aux actionnaires de référence ainsi qu’à l’Etat d’augmenter leur pouvoir dans les entreprises cotées sans avoir à augmenter leur part au capital. Un gestionnaire d'actif bénéficie d’un avantage compétitif sur son marché domestique pour proposer des ETF à réplication physique (cf. article ETF). En France, cet avantage combiné à la loi Florange permet de verrouiller d’une certaine façon (ou a minima de renforcer) le contrôle domestique / étatique sur la gouvernance de ses entreprises.
Qui récupère les droits de vote pour les réplications synthétiques de fonds et d’ETF?
Les ETF à réplication synthétique sont réalisés généralement à partir de contrats de swap (TRS) entre la société de gestion et une banque d’investissement (cf. article ETF 1). Dans ce cas, la banque va répliquer la performance de l’indice voulu. Cela se fait soit en achetant les actions soit en “recyclant” ce risque dans le marché au travers d’autres produits dérivés.
Dans le cas où la banque achète l’ensemble des actions de l’indice, comment sont utilisés les droits de vote associés?
Et d’une façon générale comment sont gérés les droits de vote de l’ensemble des titres détenus par les départements de trading dérivés actions des banques d’investissement?
Banking book et Trading book
Après 15 ans de trading en salle des marchés dans différentes banques, je peux vous assurer que personne sur le trading floor ne s’est jamais soucié de cette question sauf pour les opérations de fusion acquisition. La raison est certainement la suivante. Les banques disposent de deux comptes distincts pour leurs activités : le “Banking book” et le “Trading book”. La quasi-totalité des opérations d’une salle des marchés est associée au “Trading book”. La distinction entre ces deux comptes est avant tout comptable et fiscale. Le fait d’apporter ses titres à une AG des actionnaires et de voter fait a priori perdre la qualification “Trading book” plus avantageuse comptablement (et donc fiscalement) au profit du “Banking book”.
J’utilise volontairement le conditionnel car je n’ai pas une certitude à 100% sur certains points. De plus, les considérations fiscales peuvent changer selon les pays et n’ayant jamais travaillé au back office, je n’ai pas pu être au fait des subtilités éventuelles. Mais de façon certaine, je peux affirmer qu’un desk de trading d’une banque d’investissement n’a pas vocation à gérer les droits de votes associés aux titres de son portefeuille. Il en serait de même pour un hedge fund de trading haute fréquence ou un fond quantitatif. La durée de détention des actions étant imprévisible et souvent assez courte.
On peut donc supposer que les droits de vote associés aux fonds répliqués synthétiquement sont inutilisés.
Conclusion
Cet article met en évidence l’importance des droits de vote lorsque l’on est actionnaire. Vous comprenez comment au travers de vos investissements dans la plupart des fonds ou ETFs, vous transférez votre pouvoir de représentation. Le cas le plus discutable aujourd’hui est clairement le rôle des ETFs à réplication physique pour leur influence dans la gestion des entreprises.
Lorsque l’on investit dans un ETF c’est pour de la réplication passive, ce n’est absolument pas pour un mandat d’ingérence dans la gouvernance des entreprises.
Investissement responsable
L’investissement responsable semble être le nouveau slogan de toute la finance du monde à l’égard des particuliers. Je pense qu’être responsable c’est contrôler son pouvoir de représentation lorsque l’on investit. Ou a minima de ne pas le “transférer” aveuglément.
Investir en direct dans les actions et enregistrer ses titres au nominatif est la solution la plus simple et efficace pour y parvenir. Autrement, le choix du produit financier devra se faire de la même façon que nous choisissons un parti politique. C'est-à-dire investir dans une société de gestion qui représente nos valeurs et notre idéologie et plus seulement notre intérêt financier pour ce qui est des fonds passifs.
Une autre façon est de privilégier les ETF à réplication synthétique. A noter que pour les ETF non-Equity (commodities, fixed income…) il n’y a pas du tout les mêmes enjeux de représentativité. Vous pouvez également vous rapprocher du travail remarquable réalisé par Colette Neuville pour la défense des petits actionnaires pour faire entendre leurs voix et les représenter.
Investir dans un ETF est pratique et simple. On a tendance à toujours ne regarder que le côté brillant des choses. Ne jamais oublier que toute médaille a son revers, parfois plus sombre qu'on peut le penser... Tout est une question de responsabilité individuelle face à nos choix.
Responsabilité individuelle et responsabilité collective
De façon générale, la responsabilité collective n’existe pas. Ceux qui se cachent derrière cette expression sont des lâches qui s’en servent de paravent. Les événements de cette dernière année autour du Covid nous le montrent tous les jours. Les erreurs s’accumulent à tous les niveaux sans qu’aucun responsable ne soit jamais désigné. Le système en place préférant entretenir le flou d’une responsabilité collective. Une sorte de masse diffuse omniprésente (l’administration française) et nulle part (quand il s’agit de rendre des comptes). Seule la responsabilité individuelle existe. L’investissement n’est pas étranger à cette maxime. A vous donc d’être responsable individuellement lorsque vous investissez.