Faut-il investir via des ETF / Trackers? - Analyse d’un professionnel (1/2)

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Choisir les meilleurs Trackers et investir dans les ETF. Une analyse complète et technique pour comprendre les risques et les coûts des ETF

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Je suis régulièrement interrogé sur la pertinence d'investir dans un portefeuille d’actions en direct par rapport à une sélection d’ETF (appelés également trackers). Faut-il investir via des ETF / Trackers? Quels sont les meilleurs ETF / Trackers?

Ces questions sont tout à fait légitimes, d’autant plus que comme tout le monde (ou presque) le sait, il est statistiquement très compliqué de battre un indice sur le long terme par de la gestion active (avec le même niveau de risque - concept de frontière efficiente risque / rendement). Quand je parle d’indice dans ce cas particulier, cela fait référence à l’indice de référence dans le monde: le S&P500 ou éventuellement l’indice MSCI World. Tout semble donc abonder pour un arbitrage en faveur de la gestion passive via des ETF. Cependant comme vous allez le découvrir dans cet article, la vérité est autrement plus nuancée. Investir et choisir des ETF est plus complexe qu'il n'y parait.

Avertissement

Cet article sera très certainement le plus complet et le plus technique que vous pourrez lire sur le sujet des ETF / Trackers indiciels. La difficulté sera croissante au fur à mesure de votre lecture mais a vocation de rester abordable. N'hésitez pas à laisser vos commentaires sous l’article si vous avez des questions.

Vous pouvez également télécharger gratuitement notre fichier regroupant les 100 principaux ETF dans le monde avec d'autres informations (liquidité, nombre de constituant dans l'indice, code Google finance, rendement, dividende...).

Un autre fichier est disponible pour les abonnés. Ce fichier contient les mêmes informations que le premier mais pour l'ensemble des ETF / Trackers du monde (soit près de 10000 instruments).

L'article étant très long, a été divisé en 2 articles. Le lien pour lire la deuxième partie est indiqué à la fin de celui-ci.

J'utilise volontairement des termes anglais pour certains mots spécifiques pour que vous puissiez comprendre plus facilement les prospectus des ETF qui sont rédigés la plupart du temps dans la langue de Shakespeare. 

Légitimité

La question de la légitimité que je peux avoir pour disserter sur ce sujet est une question importante. Au cours de mon expérience de trader, j’ai eu, entre autres, à gérer un portefeuille d’ETF d’environ 5 milliards d’encours lorsque que je travaillais à Wall Street. Le niveau de précision exigé pour le “pricing” de ces instruments lors de transactions est de l’ordre de 0,01%. Tout cela pour vous dire que j’ai eu l’occasion de décortiquer ces instruments de façon assez poussée.

Je souhaite aujourd’hui partager certaines informations avec ceux qui auront le courage et la curiosité intellectuelle de vouloir comprendre un peu mieux ces instruments. 

Qu’est ce qu’un ETF / tracker?

Définition d'un ETF / Tracker

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il me semble important de rappeler rapidement ce qu’est un ETF pour ceux qui débutent dans l’investissement dans les marchés.

Un ETF (Exchange Traded Fund) appelé aussi tracker, est un instrument financier dont la valeur suit celle d’un indice boursier tels que le CAC 40, S&P 500, Nikkei… Les trackers s'achètent et se vendent de la même façon qu’une action. Ils permettent ainsi au travers d’une seule transaction d’investir dans un grand nombre de sociétés différentes, facilitant ainsi la diversification d’un portefeuille. Un tracker prélève beaucoup moins de frais qu’une Sicav classique (entre 5 et 10 fois moins). C’est l’un de ses atouts majeurs en plus d'être simple à acheter et à vendre.

Différentes catégories d’ETF

Les ETF peuvent couvrir différentes classes d’actifs. Pour résumer, nous pouvons en identifier 3 principales:

  • Equity (les marchés actions)
  • Bonds (les obligations)
  • Commodities (les matières premières)

D’autres catégories d’ETF existent tels que ceux portant sur le marché des devises (forex), stratégies discrétionnaires ou quantitatives, cross assets, leveraged (i.e. avec un effet de levier x2, x3)… Mais ces derniers restent assez faibles en termes d’AUM (Asset Under Management). 

Explication par l’exemple, analyse de l’ETF MSCI World d’Amundi

Nous allons dans cet article nous concentrer sur la catégorie la plus populaire des ETF, à savoir les ETF Equity qui répliquent traditionnellement des indices boursiers (tels que le S&P500, MSCI World, CAC, Nikkei…). Rien de mieux qu’un exemple concret pour illustrer une démonstration. Nous allons donc choisir pour l’analyse, un ETF qui est souvent plébiscité par les investisseurs particuliers : l’ETF Amundi MSCI World UCITS EUR dont le code est CW8 et le code Isin LU1681043599.

Analyse des frais courant de l’ETF CW8

Ces frais sont généralement ceux que l’investisseur particulier regarde car ce sont ceux qui sont mis en avant par la société de gestion (en l'occurrence ici Amundi). Ces frais sont communément appelés en anglais “Management Fees” et sont censés représenter tous les coûts de réplication de l’indice cible (benchmark) par la société de gestion. Pour l’ETF CW8 ces coûts sont de 0,38% par an comme indiqués dans la fiche produit.

Voyons maintenant l’impact de ces frais courants dans la valeur de l’ETF par rapport à son indice de référence (son benchmark). Intuitivement, nous devrions observer une lente divergence de 0.38% année après année de la valeur de l’ETF par rapport à l'indice. Vérifions. 

Graphique Performance ETF CW8

Performance calendaire ETF CW8

Graphique Performance ETF MSCI World Amundi Versus benchmark

Sur une période de 10 ans, nous observons donc une différence de 2.26%. Soit 0.23% par an. C’est donc 0.15% de mieux que les frais courants ce qui est une bonne nouvelle!

La réaction légitime d’un investisseur particulier est de se dire que ce n’est pas cher du tout et que cela rend un fier service car en achetant ce produit j’ai une exposition sur tout l’indice qui est constitué de plus de 1500 valeurs du monde entier.

Il est important de toujours recalculer la performance de l'ETF par rapport à son indice de référence. Parfois l'ETF sur-performe, parfois il sous-performe. Nous allons voir dans les paragraphes suivants les différentes raisons de ces divergences.

Réplication synthétique de l’ETF / tracker CW8

Comme vous pouvez le voir dans le prospectus de l’ETF, il est indiqué qu’il s’agit d’une réplication synthétique. Peu de personnes comprennent réellement ce que cela signifie vraiment. Mais c’est un détail important surtout étant donné l'état du système bancaire actuel. 

Il faut savoir qu’il existe 2 modes de réplications pour un ETF 

  • Réplication physique
  • Réplication synthétique

Qu'est-ce qu'une réplication physique pour un ETF?

Dans le cas d’une réplication physique, le gestionnaire achète la totalité des actions de l’indice qu’il souhaite répliquer en échange de l’ETF correspondant. Ce mode de réplication est le plus sûr pour l’investisseur car le risque qu’il prend ne porte que sur le sponsor de l’ETF et son dépositaire avec a priori une ségrégation des actifs identifiées pour chaque fonds (et donc chaque ETF). 

Qu'est-ce qu'une réplication synthétique pour un ETF?

Dans le cas d’une réplication synthétique les choses sont beaucoup plus complexes. 

Total Return Swap - TRS

Pour son ETF MSCI World CW8, comme pour les autres ETF répliqués synthétiquement, Amundi réalise régulièrement des appels d’offres auprès de différentes banques. Ces appels d'offres portent sur des swaps. Plus précisément des TRS (Total Return Swap) pour “déléguer” le travail de réplication. Et c’est à partir de là que les choses intéressantes commencent.

Dans notre exemple, Amundi achète donc un TRS à la contrepartie. Au travers de ce swap, l'échange des flux sera donc le suivant:

  • Le vendeur du TRS
    • Paie la performance positive de l’indice sur la période
    • Paie les dividendes tombés ex de la période
    • Reçoit un coupon de financement équivalent au financement du notionnel initial sur la période (Libor EUR 3 Mois +/- spread). Le spread correspond au prix du swap sur lequel l’acheteur et le vendeur se mettent d’accord 
  • L’acheteur du TRS
    • Reçoit la performance positive de l’indice et les dividendes sur la période
    • Ou paye la performance négative de l’indice le cas échéant
    • Paie un coupon de financement équivalent au financement du notionnel initial sur la période (Libor EUR 3 Mois +/- spread). Le spread correspond au prix du swap sur lequel l’acheteur et le vendeur se mettent d’accord.

Les flux sont parfaitement symétriques entre l’acheteur et le vendeur du swap.

Appels d’offres pour les TRS

Les départements de trading Equity des banques d'investissement sont désespérément en recherche de “flux clients”. Ceci pour justifier de leurs activités depuis les régulations mises en place après la crise financière de 2008 (Volcker rule, Dodd Frank…). Ces régulations restreignent presque entièrement ce qu’il est convenu d’appeler le trading propriétaire ou trading pour compte propre. Ces départements doivent donc, pour survivre, auprès du top management et des actionnaires, justifier absolument de ces précieux flux clients sous peine d'être fermés ou fortement réduits. 

Autant vous dire que lorsque Amundi ou d'autres clients font des appels d'offres dans le marché, c’est un peu comme lancer un morceau de lard dans une piscine de piranhas. Toutes les banques se battent pour proposer les meilleurs prix quitte parfois à traiter à perte.

Il n’y a en réalité pas beaucoup de banques d’investissement ayant les capacités de réplication de tous les indices. Cela demande des infrastructures de trading mondiales et des dépositaires dans chaque pays ainsi que la capacité à gérer des couvertures en devises non délivrables etc. D’autant plus que très souvent “the winner takes it all”. C'est-à-dire que la banque choisie se chargera très probablement de tous les contrats de swaps sur les ETF sur un univers donné. Par opposition à choisir potentiellement une banque différente pour assurer la réplication indicielle de chaque ETF. 

Des transactions renouvelées tous les ans

Ces TRS  sont renouvelés (on parle de “roll”) généralement tous les ans (TRS de maturité 1 an). Les montants de ces transactions sont équivalents aux encours investis sur les ETF du sponsor. Soit plusieurs dizaines de milliards d’euros d’encours. Même si Amundi appartient au Crédit Agricole, c’est généralement BNP qui est la contrepartie sur ces trades de réplication. C’est la seule banque d’investissement française (avec peut-être Société Générale) qui a les capacités de faire ce travail de réplication sur autant d’indices. 

Les risques de contrepartie

A cet instant 2 points importants sont à comprendre. Le premier est de savoir que le TRS (qui est un produit dérivé) conclu entre Amundi et par exemple la BNP est un contrat dit OTC (Over The Counter). Ce produit dérivé OTC, à l’inverse d’un produit dérivé listé (un contrat future par exemple) nécessite ce que l’on appelle une ligne de crédit entre les 2 contreparties. En effet, il existe un risque si l’une ou l’autre des contreparties venait à faire faillite. 

Ces risques qui peuvent vous sembler complexes et théoriques sont bien réels et ont un coût qui n’est pas nul mais qui est très faible comme nous allons le voir. Ce coût du risque est porté par celui qui investit dans l’ETF. Ces risques sont d’ailleurs mentionnés dans le prospectus de l’ETF

Profil de risque ETF CW8

Risques ETF Amundi (Prospectus)

Quel est le coût associé à ce risque de contrepartie?

La question qui se pose est donc de connaître le coût du risque qu’il serait légitime de prendre en compte lorsque l’on a une réplication synthétique versus une réplication physique. Pour ma part voici quelle serait mon analyse:

  • Dans le cas d’une réplication physique je suis exposé au risque de crédit de la banque dépositaire des titres de l'émetteur de l’ETF et risque de crédit de l'émetteur (Caceis Bank et Amundi dans le cas de l'ETF CW8)
  • Dans le cas d’une réplication synthétique je suis exposé au risque de crédit de l'émetteur. Mais aussi à celui de la contrepartie du swap (TRS). Et potentiellement indirectement à d’autres contreparties si la contrepartie du swap a choisi de “recycler” son risque via d’autres transactions OTC avec d’autres contreparties. 

Pour ce qui est de l’estimation du coût du risque dans chacun de ces cas, il nous faut définir une durée pertinente pour l’exposition à ce risque. Intuitivement je dirais 3 mois. En effet, même si les TRS sont mis en place pour une durée d’un an, il y a des paiements tous les 3 mois (reset quarterly).

Ce coût est relativement complexe à estimer car il dépend du CDS (Credit Default Swap) de l'émetteur de l’ETF (dans notre exemple Amundi), du CDS maturité 3 mois de la contrepartie du TRS (BNP dans notre cas) ainsi que de la nature du produit (Un TRS dynamique sur indice dans notre cas). Un TRS indiciel n’a pas le même risque qu’un Swap de taux vanille par exemple mais ce sont deux produits OTC. Il faut donc associer au TRS indiciel un risque qui sera mesuré par la V@R (Value At Risk). 

Credit Default Swaps (CDS)

Les CDS sont des produits dérivés qui permettent de s’assurer contre le défaut d’une société. On peut comparer les CDS à des assurances en cas de faillite d’un intervenant. 

Les images ci-dessous vous montrent l’ordre de grandeur des CDS sur BNP d’une part et Crédit agricole d’autre part. Le prix affiché pour Crédit Agricole correspond à un CDS de maturité 1 an. Les maturités plus courtes ne sont en général pas cotées. L’ordre de grandeur est d’environ 14bp soit 0,14% pour chaque banque. 

A noter qu'Amundi appartenant à Crédit Agricole, le CDS de Crédit Agricole est une bonne approximation. 


CDS Crédit Agricole


CDS BNP

Asymétrie du risque de contrepartie

Le risque lié au TRS est asymétrique. En effet, un risque de défaut d’une contrepartie serait très probablement la conséquence d’une détérioration rapide des indicateurs économiques et donc d’une baisse très forte des marchés. De par la nature des flux du TRS, le vendeur est exposé à un risque plus important (payeur de la performance positive de l’indice). 

Le risque de contrepartie est donc une fonction complexe de plusieurs facteurs et peut être de l’ordre de quelques points de base.

Le risque de défaut de la contrepartie du swap est-elle pris en compte dans les frais courants de 0,38%?

La réponse est oui, le risque de défaut de contrepartie induit par le TRS est bien pris en compte dans les frais courants de l’ETF. Les sociétés de gestion telles que Amundi utilisent certaines techniques pour réduire significativement ce coût du risque même s’il est déjà faible. Je vais vous décrire rapidement les deux principales.

Mise en place d’un “outperforming swap”

La mise en place d’un TRS entre Amundi et BNP, par exemple, fait apparaître un risque de contrepartie. Il suffit donc de mettre en place un autre TRS avec la même contrepartie dans le sens opposé pour “neutraliser” en grande partie ce risque. Ce type de structure s’appelle communément un outperforming swap. Il s’agit d'une structure de 2 swaps de sens opposés, l’un répliquant l’indice sous-jacent de l’ETF (TRS dynamique) et l’autre un panier d’actions (TRS statique). 

Ce TRS sur panier d’actions est appelé TRS GC pour “General Collateral”. Je ne rentrerai pas dans les détails sur les modalités de choix des actions pour ce TRS car ce n’est pas le sujet ici. Il faut juste retenir deux choses importantes. La première est que le nombre d’actions choisies dans ce TRS GC est généralement faible (une dizaine d’actions) ce qui induit un petit risque de concentration. Le deuxième est que cela crée un risque potentiel de qualité de collatéral entre les deux swaps. Pour suivre tout cela, les départements des risques doivent analyser des matrices de collatéral pour évaluer quotidiennement la qualité des actifs mise en garantie. 

Ce mécanisme permet ainsi de baisser le coût de la réplication jusqu'à le neutraliser presque entièrement. Le coût du risque d'un ETF synthétique est donc réellement proche de zéro.

On peut également souligner ici que la structure "outperforming swap" est celle qui va permettre l'éligibilité PEA sur des univers qui ne le seraient pas en réplication physique. Typiquement la réplication d'un indice américain par un ETF éligible PEA ne peut être qu'un ETF synthétique. C'est une des raisons qui peut motiver un gestionnaire d'actif (Amundi, Lyxor...) à choisir ce mode de réplication pour certains indices non européens.

Utilisation des fonds dans d’autres structures monétaires (money market funds)

Lorsqu’un investisseur achète un ETF d’une valeur de 100 euros, étant donné qu’il s’agit d’un produit “cash”, il doit payer la totalité du montant, soit 100 euros. 

Un TRS est ce que l’on appelle un produit dérivé. Il s’agit d’un produit à effet de levier par opposition à un produit “cash”. Lorsque la société émettrice de l’ETF achète un swap (TRS) à une banque pour un notionnel de 100 euros, elle ne devra verser à la contrepartie qu’un dépôt initial (initial margin) de 10% par exemple soit 10 euros. Il faut savoir que tous les swap et produits OTC entre les banques sont collatéralisés. En fonction de l'évolution du marché, des appels de marge pourront être demandés en plus. Mais grossièrement il lui reste 90 euros après cette opération. 

L’argent ne dort jamais comme vous le savez. La société émettrice de l’ETF doit donc trouver des idées pour faire “travailler” cet argent. Généralement les sociétés de gestion d'actifs ont une large gamme de fonds et notamment des fonds monétaires peu risqués (Money Market Funds). Elle peut donc réinvestir les 90 euros restants dans un de ces fonds pour générer un petit supplément de rendement. 

La période actuelle n’est pas simple du tout pour ces fonds monétaires. Les taux sont très bas dans la plupart des devises voire carrément négatifs pour certaines (l’euro par exemple). C’est pour cela que je ne pense pas que ce soit la solution la plus utilisée en ce moment mais je me trompe peut-être. Mais cette solution me semble beaucoup plus risquée que la première. L'idée est de faire en sorte que le choix de cette solution compense au moins les frais induits par le risque de contrepartie liés au swap (TRS) voire apporte une réelle sur-performance. 

Synthèse

Que l’ETF soit donc en réplication physique ou synthétique cela ne rajoute pas de coût additionnel aux frais courants annoncés par l'émetteur de l’ETF (si les départements de risques marchés de part et d’autre font bien leur travail). Il vous faut éventuellement ajouter aux frais courants (management fees) de 0,38% le risque de défaut de l'émetteur (Amundi dans notre exemple), celui de son dépositaire (Caceis Bank qui appartient également à Crédit Agricole) et le risque opérationnel (difficilement quantifiable). Cela correspond au risque de contrepartie que vous prenez.

Voilà pourquoi il semble préférable d’acheter des ETF de sociétés de gestion bien établies (IShares/Blackrock, State Street, Amundi, Lyxor…) pour diminuer ce risque au maximum. Pour ce qui est du risque de défaut initié par le swap entre Amundi et BNP dans notre exemple pour la réplication synthétique, il est en effet pris en compte dans les frais courants et est en réalité très faible. Donc au final le différentiel de risque entre réplication physique et synthétique est marginal. Nous allons donc voir plus loin les raisons qui poussent les gérants à choisir l'une ou l'autre. 

Comparaison entre 2 ETF / Trackers MSCI World

Nous pouvons comparer l’ETF CW8 à un ETF similaire mais qui réplique le MSCI World de façon physique et non synthétique. Il s’agit de l’ETF émis par iShares dont le code est URTH et listé aux États-Unis. Les frais courants (FC) de cet ETF sont de 0,24%. Cette différence s’explique à mon sens par le fait que le marché des ETF est beaucoup plus mature aux États-Unis et que cela correspond à une stratégie marketing.

Mais les paragraphes suivants vont nous amener à d’autres pistes potentielles d’explications. On peut souligner (voir tableau ci-dessous) que l’ETF IShares sur-performe son indice de référence de 0.21%. Cela signifie que les frais courants sont entièrement compensés par la sur-performance du fonds et même plus (0.24% de management fees + 0.21% de sur-performance, soit 0.43%). La différence de performance entre les 2 ETF répliquant pourtant le même indice est donc de 0.44%. Ajustée des frais courants, cette différence est de 0.30% en faveur de l'ETF IShares. Cette différence vient à mon sens de 2 facteurs :

  • La gestion de l'inventaire afin d'extraire une valeur de repo (cf. paragraphes à suivre)
  • Un "set up" fiscal optimisé pour les dividendes de la part d'IShares lui permettant d'avoir un niveau "synthétique" de fiscalité des dividendes plus avantageux que le niveau "all-in" du marché. Le niveau "all in" du marché étant le niveau auquel traite le TRS acheté par Amundi (cf. chapitre suivant).

ETF iShares MSCI World

Performance ETF iShares MSCI World

Performance ETF IShares MSCI World

Conclusion réplication physique versus synthétique

Le choix optimal entre réplication physique ou synthétique n'est pas simple et dépend du marché de l'ETF et de la société de gestion. Il faut néanmoins savoir que l’ETF physique a théoriquement un coût plus important pour l'émetteur qu’un ETF synthétique. En effet, dans le cas de l’ETF physique cela nécessitera un settlement (opération back office) pour chaque action de l’indice. A cela il faut rajouter la gestion de toutes les opérations sur titres (dividendes, spinoff, émissions de droits…) par la société de gestion. Mais la taille de la société de gestion est un facteur très important comme on peut le voir. Surtout dans la capacité à gérer le repo directement et à avoir un bon "setup" fiscal. 

Fiscalité des dividendes dans l’ETF

Nous arrivons dans notre démonstration à un des chapitres les plus importants. Vous allez comprendre la différence de performance entre l’ETF Amundi et l’ETF IShares. Nous allons mieux comprendre au passage pourquoi Amundi a un tel intérêt de passer par une réplication synthétique. 

3 catégories d’indices

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je souhaite faire un rappel rapide sur les 3 catégories principales d’indices Equity et le traitement des dividendes dans chacun des cas.

  • Indice Price Return. Les dividendes sont payés et ne sont pas pris en compte dans l’indice. Exemple d’indice : CAC 40, S&P 500, Nikkei, Eurostoxx 50… la plupart des grands indices appartiennent à cette catégorie.
  • Indice Total Return. 100% des dividendes payés par les entreprises de l’indice sont réinvestis dans l’indice. Exemple d’indice : DAX 30, SPTR (S&P 500 Total Return), PX1GR (CAC40 Gross Total Return).
  • Indice Net Total Return. Uniquement le montant des dividendes nets est réinvesti dans l’indice (MSCI World Net Total Return…).

Maintenant petite devinette ! 

D'après vous, quelle catégorie d’indice est la plus répliquée par les ETF en Europe?

La réponse est sans équivoque : Les indices Net Total Return (NTR).

Cela n’est pas du tout un hasard et nous allons voir tout de suite pourquoi. 

Vous allez comprendre pourquoi il est préférable de choisir des ETF répliquant un indice Price Return (PR) ou bien Total Return (TR) et éviter les indices Net Total Return (NTR). Et surtout pourquoi dans votre processus de sélection d'ETF vous devez systématiquement comparer la performance de l'ETF à l'indice Gross Total Return correspondant. Pour cela vous devrez calculer la "tracking difference" de l'ETF. Ce calcul n'est pas toujours simple à réaliser. 

Le choix des indices NTR pour faire grossir l’AUM

Une chose à bien comprendre est que le but premier d’un asset manager (qu’il émette des ETF ou gère des fonds de type SICAV classique) n’est pas d’afficher de bonnes performances de ses fonds. Son but est d’avoir l’AUM (Asset Under Management ou montants des fonds sous gestion en français) la plus importante possible. Plus les montants sous gestion sont importants, plus l’assiette sur laquelle les frais courants seront prélevés sera importante. Le gestionnaire doit donc tout faire pour augmenter les encours de ses fonds afin de faire croître ses revenus.

Voilà qui explique les campagnes marketing pour toujours vous inciter à investir via des fonds mais jamais dans des actions en direct. A mon sens, il n’y a pas toujours un alignement d'intérêt avec ceux de l’investisseur, mais ce n’est que mon avis le lecteur fera ses propres conclusions.

Après cette petite introduction vous comprendrez facilement qu’en choisissant de répliquer des indices Net Total Return, les montants sous gestion grossissent année après année du montant des dividendes nets. Au lieu de percevoir des dividendes et d’en disposer à sa guise, l’investisseur est donc par construction de l’indice, obligé de les réinvestir. Il se verra par conséquent facturé les mêmes frais courants sur ces dividendes réinvestis. Ce n’est pas forcément un problème mais c’est important en tant qu’investisseur d’en être conscient.

Selon la stratégie d'investissement, il sera préférable de choisir un ETF avec dividendes réinvestis pour des raisons fiscales. Ce choix dépend du compartiment dans lequel vous placerez vos ETF (PEA, Assurance vie ou Compte titres Ordinaires). Ce point étant relativement subtile un article dédié y sera consacré. L'intérêt est surtout d'utiliser le mécanisme de réinvestissement des dividendes pour palier au défaut principal du CTO (Compte Titres Ordinaire) qui est un support non capitalisant. Ainsi si vous ne retirer annuellement que les dividendes de votre ETF en en vendant une partie vous diminuez sensiblement l'assiette d'imposition.

Des indices NTR pour l’optimisation de la fiscalité des dividendes (Yield enhancement)

Brefs rappels sur la fiscalité des dividendes

Cette partie de l’explication est relativement subtile. C’est l’occasion de faire 2 petits rappels.

1er rappel: Fiscalité des dividendes français

Lorsque vous achetez une action française en direct et que vous êtes résident fiscal français vous allez percevoir 100% du dividende payé par l’entreprise. 

2ème rappel: Fiscalité des dividendes étrangers

Lorsque vous achetez une action étrangère en direct et que vous êtes résident fiscal français vous allez percevoir le dividende net (car il y a une retenue à la source). Ensuite, vous êtes en droit de réclamer le crédit d'impôt correspondant à la différence dividende brut / net au titre des conventions fiscales de non double imposition. A noter qu’il n’est pas toujours possible de récupérer la totalité de la différence.

Analyse de la fiscalité des dividendes dans le cas de l'ETF CW8

Revenons maintenant à notre ETF MSCI World CW8. Nous devons tout d’abord nous poser la question de la méthodologie de calcul de l’indice de référence qui correspond aux dividendes net réinvestis. Le plus important est de connaître les taux de fiscalité (withholding tax) appliqués pour chaque pays. Je vous invite donc à consulter la table de fiscalité des dividendes MSCI tels qu’ils sont utilisés pour le calcul de ses indices NTR (pages 55 & 56 du document). 

Calcul de l'impact fiscal de l'ETF

Il nous suffit maintenant de calculer le rendement de dividende de chaque pays composant le MSCI World et de lui appliquer la fiscalité retenue par MSCI. Nous obtenons ainsi le "coût" de cette différence entre l’indice Total Return et l’indice Net Total Return. 

PS: N’ayant que mes petits doigts musclés et pas (encore) de station Bloomberg à la maison je ferai des estimations des rendements de dividende par rapport aux indices de référence nationaux. C'est-à-dire rendement du SP500 pour les US, rendement du Nikkei pour le Japon et ainsi de suite. 

Détail du calcul du coût fiscal sur les dividendes

Le résultat du calcul est présenté dans le tableau ci-dessous. 


Répartition Géographique du MSCI World
Fiscalité MSCI pour l'indice NTR
Indice national de référence
Rendement en dividende de l'indice de référence
Coût fiscal
États-Unis
66.80%30%S&P 500
1.88%0.38%
Japon
7.98%15.32%Nikkei 225
1.69%0.02%
Angleterre
3.96%0%FTSE 100
4.81%0.00%
France3.19%30%CAC 40
2.28%0.02%
Switzerland
3.08%35%SMI3.00%0.03%
Autre
14.99%20%
2%0.06%
Total100%
Div Yield MSCI
2.05%0.51%

Dans le cas de l’ETF répliquant le MSCI World NTR cela vous aurez un “coût fiscal” additionnel caché de 0,51% environ. Cela représente pour vous un réel coût supplémentaire. Car par construction de l’instrument il vous sera impossible de récupérer le crédit d'impôt sur les dividendes étrangers. Vous subirez donc une double imposition sur les dividendes payés par les actions composant l’ETF.

D’une certaine façon, vous êtes même triplement pénalisés car dans l’ETF vous ne percevrez pas 100% des dividendes français alors que vous y auriez droit (si vous êtes résident fiscal français). Enfin, vous subirez également une fiscalité plus importante sur les dividendes américains. La retenue à la source qui vous serait appliquée pour une détention en direct est de 15% par rapport à une fiscalité MSCI de 30%.

A noter que la demande de crédit d'impôt sur les dividendes étrangers est a priori toujours possible pour les particuliers (à condition qu'il y ait une convention fiscale entre les pays). Cela n'est pas forcément le cas pour les entreprises. Le crédit d'impôt dans les banques est une ressource rare.

Qui profite de cette différence entre le dividende brut et le dividendes net?

Cette différence entre le brut et le net ne sera pas perdue pour tout le monde et sera partagée entre l'investisseur de l’ETF et la contrepartie du swap. Pour certains indices ou sous-jacents américains cette différence ira dans la poche de l’IRS (Internal Revenue Service - Le fisc américain). La bonne nouvelle, c'est que la partie de fiscalité de dividende récupérée éventuellement par le sponsor de l'ETF sera transférée à l'ETF et donc à l'investisseur.

De par la réglementation, les sociétés de gestion ont l'obligation de reverser l'intégralité des gains dans l'ETF. Leur rémunération est strictement contenue aux frais courants. C'est donc une des pistes principales qui explique à mon sens la sur-performance moyenne de 0.10% de l'ETF Amundi par rapport à son benchmark ajusté des frais de gestion. Cette sur-performance n'est pas constante dans le temps et varie d'année en année. Étant donné que les swaps (TRS) sont "rollés" tous les ans, les prix de marchés peuvent varier. Cette sur-performance peut parfois être très interessante et compenser une grosse partie de la perte fiscale due au mode de calcul de l'indice NTR.

L'optimisation par les grandes banques d'investissement

Les grandes banques d’investissement ont généralement une infrastructure leur permettant de recevoir 100% de dividende sur la plupart des pays. Cela nécessite soit un booking local ou une structure juridique ECI (Effective connected Income) pour ceux que cela intéresse. Lorsqu’il n’est pas possible ou compliqué de récupérer 100% du dividende pour certains pays, il faut prendre en compte le niveau de dividende “all-in”. Ce niveau “all-in” est le niveau synthétique de fiscalité d’un pays donné auquel s'échangent les dividendes. C’est le niveau utilisé pour le pricing des différents produits dérivés. 

Si l'organisation structurelle d'une banque ne lui permet pas d'avoir un niveau synthétique de fiscalité plus avantageux que le "all-in" du marché, il lui sera compliqué d'être compétitive sur les prix de TRS comme pour le MSCI World.

Exemple du niveau all-in de l'EuroStoxx 50

Pour vous donner un exemple concret, les produits indexés sur l’indice EuroStoxx 50 s'échangent à environ 92% de fiscalité de dividendes (ce taux est indicatif et varie dans le temps). Cela correspond en quelque sorte au niveau d'équilibre des différents intervenants du marché sur la fiscalité des dividendes de cet indice. 

La fiscalité des dividendes comme paramètre d'ajustement

Vous découvrez ici une des raisons qui motive les émetteurs d’ETF comme Amundi à privilégier des réplications synthétiques plutôt que des réplications physiques. Cette raison est que structurellement il est compliqué et très lourd de réaliser la réplication et l'optimisation fiscale des dividendes par rapport au niveau de marché. Seuls les leader du marché (IShares/Blackrock) peuvent se permettre des réplications physiques sur ces indices grâce à des économies d'échelle sur leur structure. Mais il y en a d’autres que je vous expliquerai dans le prochain chapitre.

On peut donc imaginer que si l'activité ETF d'Amundi se développe fortement, ils pourront décider à un moment de changer leur mode de réplication. Ils passeront de réplications synthétiques à physiques sur des indices comme le MSCI World si les économies d'échelle le permette une fois une taille critique atteinte et que leur fiscalité synthétique en interne devient plus avantageuse que le niveau "all-in" du marché. Avec le rapprochement avec Lyxor, je pense que c'est la stratégie qui sera suivie dans les prochaines années.

Le très grande majorité des sociétés de gestion d’actifs en Europe proposent des ETF répliquant des indices NTR. Certes ces ETF performent de la même façon que les indices de référence "net" et non "brut". Vous comprenez maintenant que cela n’a rien à voir avec une optimisation du gestionnaire de portefeuille. Il s’agit plutôt d’un écran de fumée lié à la fiscalité des dividendes. 

Synthèse de la fiscalité des dividendes dans le cas des indices NTR

Plusieurs choses à retenir de ce paragraphe. Mathématiquement vous l’aurez compris, lorsque vous analysez le coût d’un ETF vous devez absolument prendre le facteur fiscal des dividendes en compte pour ceux répliquant des indices Net Total Return. Pour résumer :

  • Le coût fiscal d’un indice Net Total Return sera plus faible si le rendement en dividende de l’indice répliqué est faible.
  • Également, il sera également plus faible si les pays représentés dans l’indice cible ont une fiscalité sur les dividendes faible voire nulle selon la grille de méthodologie du sponsor de l’indice.

Typiquement si vous choisissez un ETF répliquant un indice d’actions ayant leur siège en Angleterre, vous n’aurez aucun impact fiscal. En effet le taux de fiscalité des dividendes en Angleterre est nul. Cela signifie qu’il n’y aura aucune différence entre un indice Net Total Return ou un indice Total Return répliquant l’indice FTSE 100 par exemple. Prenez absolument ce facteur en compte lorsque vous choisissez vos ETF. Évitez lorsque c'est possible les indices NTR avec une grosse proportion américaine car désavantageuse sur la fiscalité (30% versus 15%). Dans tous les cas recalculez la performance de l'ETF par rapport à son indice de référence Gross Total Return pour calculer le coût réel de l'ETF.

Toujours dans notre exemple avec l’ETF CW8 d’Amundi nous arrivons maintenant à un total de frais de 0.38% (Frais courant) plus 0.51% de fiscalité soit un total de 0.89%.

Il est donc très probable que la sur-performance de 0.15% de l’ETF par rapport à l’indice de référence mentionné précédemment dans cet article soit en fait une rétrocession partielle de cette fiscalité.

Pour lire la seconde partie de cet article et connaître les critères à retenir pour choisir les meilleurs ETF, veuillez cliquer sur ce lien.

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