Investir en Suisse, préambule et fiscalité des dividendes

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Investir en Suisse. Comprendre l'intérêt de s'intéresser aux actions Suisses pour vos placements financiers et vos investissements

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Cet article aborde la problématique d’une stratégie d’investissement de long terme sur des actions suisses. Investir en Suisse, y placer son argent ou avoir un compte en Suisse n’est pas toujours une démarche simple. Des solutions alternatives existent comme nous allons le voir. Cette analyse se présente sous la forme de 2 articles. Le premier permet de comprendre les bases et les fondamentaux importants notamment sur la fiscalité des dividendes suisses. Le deuxième article présentera une méthodologie complète et alternative pour construire votre portefeuille d’actions suisses selon votre profil de risque.

Nous nous plaçons dans la position d’un investisseur français au sens de la résidence fiscale. L’analyse peut être transposée facilement pour des investisseurs domestiques suisses ou internationaux. Seuls certains paragraphes devront être adaptés notamment ceux relatifs à la fiscalité des dividendes.

Pourquoi diversifier son patrimoine en devises?

La frénésie des banques centrales européennes et américaines à faire tourner la planche à billets doit nous interpeller. Cette abondance monétaire aura inexorablement un impact sur notre patrimoine et sur les risques associés. Dilution monétaire, retour de l’inflation, baisse du pouvoir d’achat… Les risques sont nombreux surtout si vous laissez dormir des liquidités importantes (ou assurances-vies fonds euros) sur des comptes qui ne produisent aucun intérêt ou très peu.

Dans ce contexte, il me paraît essentiel de diversifier son patrimoine dans des devises sérieuses et bien gérées. Le franc Suisse (CHF) fait office de valeur refuge depuis des décennies. Certes, la Banque centrale Suisse fait également tourner la planche à billets pour contenir l’appréciation du franc suisse mais avec une stratégie radicalement différente de la BCE ou de la FED.

Ouvrir un compte en francs suisses et y convertir ses liquidités est-elle la solution? 

Convertir ses liquidités en francs suisses n’est pas une solution optimale car les taux d’intérêts Suisse sont négatifs. Avoir un compte en CHF vous coûtera irrémédiablement de l’argent. De même, investir dans des obligations en francs suisses n’aura pas d'espérance de rendement intéressante. Au travers de ces deux articles, nous allons vous présenter une solution alternative et accessible pour diversifier son patrimoine en CHF avec un profil de risque conservateur. 

La Suisse offre un panel de très belles sociétés et des leaders mondiaux dans de nombreux domaines. Nous proposerons également une stratégie de construction d’un portefeuille d’actions suisses à fort potentiel. Ce n'est donc pas un portefeuille actions que nous allons vous présenter mais bien deux:

  • Un portefeuille d'actions suisses "proxy" CHF à faible risque (comme alternative aux fonds obligataires ou comptes de dépôts)
  • Un portefeuille d'actions suisse résilient et à fort potentiel (pour diversifier votre portefeuille actions global) sur-mesure selon votre appétence au risque.

Le Franc Suisse : une devise de référence

Pourquoi choisir le franc suisse (CHF)?

Dans le petit monde des banques centrales, la SNB (Swiss National Bank) est une référence. Le franc Suisse est considéré comme la devise la plus solide au monde. 

Certes sa valeur s’érode comme toutes les monnaies fiduciaires mais beaucoup moins vite. Le franc Suisse est aux monnaies fiduciaires ce que l’or est aux métaux précieux : une référence, un gage de confiance. La SNB cherche par tous les moyens à diminuer la valeur du franc suisse par rapport aux autres monnaies pour soutenir ses exportations. Cependant, la pression est telle, que sur le long terme je ne peux qu’imaginer une hausse du franc Suisse face aux autres monnaies telles que l’euro et le dollar. 

La Suisse est un pays dont la note de crédit est maximale : AAA selon Standard & Poor's et Fitch. Elle dispose également d’une balance commerciale excédentaire et le bilan de la banque centrale regorge d’actifs de qualité investis à l’étranger. C’est également à mes yeux le modèle le plus extraordinaire de démocratie au monde. Plus qu’aucune autre monnaie, le franc suisse repose sur des fondations très solides. 

Performance historique du CHF et impact sur le rendement des actions

Sur le graphique ci-dessous, vous pouvez constater que sur les deux dernières décennies le franc Suisse a tendance à s’apprécier de façon régulière contre l’euro ou le dollar.


Cours de change du franc suisse contre euro et dollar


Performance comparative de l'action Nestlé en EUR et CHF

Investir en Suisse et avoir ainsi des actifs indexés sur la valeur du CHF semble donc une stratégie intéressante sur le long terme. Etant donné que le taux de référence suisse est de -0,75%, avoir des liquidités en franc suisse ou des obligations suisses ne présentent que peu d’intérêt. Le compte en suisse en devise locale ou bien le fond obligataire suisse ne sont pas des solutions intéressantes, il nous faut donc trouver d’autres alternatives. Dans ces deux articles nous allons explorer les actions suisses comme alternative. Comme évoqué précédemment, les problématiques auxquelles nous allons tenter de répondre sont donc:

  • Comment se constituer un portefeuille d’actions suisses dont le risque de perte en capital est limité et offrant un potentiel d’appréciation et de dividendes réguliers ? (ie: dont l’espérance de rendement se rapproche d’un portefeuille obligataire suisse) 
  • Comment investir en suisse  et se constituer un portefeuille d’actions suisses à fort potentiel selon différents critères de risques.

Problématiques préalables à l’investissement dans les actions Suisses

Quel budget / patrimoine pour investir dans les actions suisses?

Comme souvent en trading, lorsque l’on intervient sur des marchés étrangers, les frais associés peuvent parfois vite s’envoler. C’est encore plus vrai pour le marché des actions suisses. Ce n’est pas le premier marché financier à considérer pour un investisseur qui se lance dans la construction d’un patrimoine financier avec un faible capital de départ. A l'exception bien sûr si vous êtes résident fiscal Suisse. Vous bénéficiez à ce titre d'un accès privilégié à ce marché et investir en Suisse en priorité devient ainsi une évidence.

Des actions suisses au prix unitaire élevé

De nombreuses actions suisses ont un prix d’achat unitaire élevé. A titre d’exemple, sur la centaine d’actions suisses que nous avons analysée, 20% ont un prix supérieur à 1000 CHF. Certaines affichent même des prix beaucoup plus élevés comme par exemple l’action Lindt (mnémo LISN) dont le prix au moment où cet article est écrit vaut plus de 90,000 CHF!

Ce qui est beau est cher!

Cette citation s’applique parfaitement au marché suisse. D’autant plus que parmi les actions intéressantes, nombreuses sont celles dont le prix unitaire est très élevé (Givaudan, SGS…). Ainsi pour obtenir un portefeuille avec un minimum de diversification, les montants à investir doivent être plus conséquents.

Les frais de trading pour investir sur le marché suisse sont relativement élevés chez la plupart des banques en ligne françaises (Fortuneo, Boursorama, Bforbank…). Nous verrons dans le paragraphe suivant l’analyse comparative des coûts d’exécution selon le courtier choisi. Interactive Broker et Saxo Bank offrent les prix les plus compétitifs mais attention! Le choix de votre banque en ligne ne doit pas se limiter strictement aux frais d’exécution. 

La fiscalité des dividendes suisses nécessite une approche réfléchie et stratégique car le prélèvement à la source est de 35%. Il est essentiel d’optimiser cet aspect surtout pour l’investisseur long terme. 

Après l’analyse point par point que nous allons faire, je pense qu’un montant minimum  de 50,000 EUR est nécessaire pour investir en Suisse dans les actions. Cela afin de permettre une diversification pertinente du portefeuille, des coûts de trading acceptables et des procédures fiscales justifiées (au titre des dividendes). Pour rappel ce constat est valable pour un investisseur qui n'habite pas en Suisse au sens de la résidence fiscale. 

Quelle banques / plateforme de trading choisir pour investir en Suisse

Avant d'investir en Suisse et d’acheter vos premières actions, il vous faut au préalable ouvrir un Compte Titres Ordinaire (CTO). Le choix est relativement large puisque toutes les banques proposent ce service. En France, on peut distinguer 3 catégories d’établissement:

  • Les banques traditionnelles physiques (Société Générale, Crédit Agricole, Caisse d’Epargne…)
  • Les banques en ligne (BforBank, Fortuneo, Boursorama, Bourse Direct…)
  • Les plateformes de trading spécialisée (Interactive Broker, Saxo Bank…)

Des avantages et des inconvénients à bien comprendre

Chacune de ces options offre des avantages mais aussi des inconvénients. Si les plateformes de trading spécialisées offrent les frais de transaction les plus faibles (et aussi des possibilités de levier), elles ne seront pas forcément toujours les plus pertinentes pour y loger votre portefeuille d’actions suisses. Les frais de transaction sur le marché suisse sont chers. Les frais minimums par ordre sont parfois de 50 euros chez certaines banques. Comme nous le verrons par la suite, il sera à mon sens plus judicieux d’accepter de payer des frais de transaction plus élevés en échange d’un service pour les démarches administratives (déclaration d’impôts pré-remplie, envoi des documents relatifs à la fiscalité des dividendes…).

Je rappelle que l’idée ici est d’investir sur le long terme et absolument pas de faire du trading actif.

Comparatif des banques en ligne pour investir en Suisse

Voici ci-dessous une simulation des frais pour les différentes banques en ligne selon le montant de l’ordre.


Comparatif banques en ligne des frais de transaction sur le marché Suisse

Ce simulateur comparatif est accessible aux abonnés dans le portefeuille actions suisses que vous pouvez retrouver ici.

Pour un investisseur particulier mon choix se portera personnellement sur Fortuneo ou BforBank. Je ne choisis pas Bourse direct car ils appliquent des frais de conservation annuels certes faibles mais qui ne sont pas optimums pour une stratégie de long terme. Pour les investisseurs plus aguerris notamment souhaitant utiliser le potentiel du levier ma recommandation s'orientera vers Interactive Broker.

On remarque au travers de ce graphique comparatif qu’il est préférable d’envoyer des ordres supérieurs à 10,000 EUR sur les banques en ligne choisies pour que les frais soient acceptables. Se fixer un seuil de frais maximum de 1% est une stratégie judicieuse pour calibrer la taille des ordres que l’on souhaite envoyer.

Commission de change sur les montants investis

Votre compte titre sera crédité généralement en euro. Or, lorsque vous achetez des actions suisses, le paiement doit se faire en CHF. L'intermédiaire doit alors faire une opération de change (forex) pour convertir la somme nécessaire. Cette opération de change vous est facturée et vient se rajouter aux frais de transactions mentionnés précédemment.

Ces frais de change sont de 0,35% pour BforBank, 0,3% pour Fortuneo, 0,28% environ sur la parité EUR/CHF pour Boursorama, 0,08% pour Bourse Direct. Ces frais s'appliquent en sus du taux de change qui est fourni à la banque par l'intermédiaire (membre de l'exchange SWX, Virt-X).

Attention, le prix de référence utilisé pour la parité EUR/CHF peut varier d'une banque à l'autre. Privilégiez des journées offrant une faible volatilité sur les changes pour minimiser ce coût.

La fiscalité des dividendes Suisses

Un prélèvement à la source de 35% sur les dividendes ordinaires

La grande majorité des actions suisses qui payent un dividende le font pendant la période de mars à mai. Le paiement du dividende intervient généralement deux jours après la date ex du dividende (date de détachement). Pour les actionnaires non-résidents (ie: non-résidents fiscaux suisses), une retenue à la source de 35% du dividende ordinaire est appliquée au moment du paiement. Cette retenue est effective aussi bien pour les actionnaires institutionnels que pour les actionnaires particuliers.

A noter que cette retenue de 35% est appliquée pour le calcul des indices MSCI NTR servant d’indice de référence aux ETF pouvant contenir des titres suisses.

A ma connaissance, ce niveau de retenue à la source est le plus élevé au monde. Il est donc important de connaître les mécanismes de récupération avant d'investir en Suisse. Si cet aspect de la fiscalité des dividendes est négligé, cela peut avoir un impact important sur le rendement de votre portefeuille sur le long terme. En effet, il faut également savoir que la fiscalité dans votre pays de résidence fiscale se fera sur le montant brut du dividende. En France vous paierez ainsi une fiscalité de 30% additionnelle calculée sur le montant brut du dividende et non sur le montant net payé (en supposant que vous avez choisi l’option pour le PFU - Plafond Forfaitaire Unique).

Exemple chiffré

Vous êtes résident fiscal français et vous avez un CTO dans lequel vous avez en portefeuille 300 actions Nestlé. En 2021, Nestlé a payé un dividende ordinaire de 2,75 CHF.

Dividende brut = 2,75 CHF x 300 = 825 CHF

Dividende net payé après la retenue à la source = 825 CHF x (1-35%) = 536,25 CHF

Montant net net après la fiscalité française (PFU 30%) = 536,25 - 825 x 30% = 288,75 CHF

Soit une fiscalité totale sur le dividende de 65%!!!

Nous allons maintenant voir comment réduire cette fiscalité à 30% ce qui correspond uniquement à l’imposition française. 

NB: Selon vos revenus, il peut parfois être plus intéressant de privilégier l’imposition au réel plutôt qu’au PFU.

Taux de change du dividende

A moins que vous ne disposiez d'un compte espèce en CHF dans votre CTO, votre dividende vous sera payé en euro (ou dans la devise principale de votre compte titres). La conversion CHF → EUR est faite automatiquement par votre banque (ou par le dépositaire de vos titres). Les frais de changes mentionnés précédemment s'appliqueront sur le montant du dividende qui vous sera payé.

Récupération de 15% du dividende au titre du crédit d'impôt français

Nous faisons l’étude dans le cas d’un résident fiscal français. La procédure peut changer selon votre pays de résidence. Comme pour tous les titres étrangers détenus dans un CTO en France, il est possible de récupérer une partie de la retenue à la source sous forme de crédit d’impôt. Pour les dividendes Suisses ce crédit d’impôt est plafonné à 15%. 

La procédure de récupération de ces 15% se fait au moment de votre déclaration de revenus. Le contribuable français ayant perçu des dividendes suisses déclare le dividende imposable (le dividende brut), ainsi que le crédit d’impôt conventionnel (ligne 2AB). Les montants à reporter sur votre déclaration d’impôt doivent être en euro. A noter l’intérêt de passer par une banque française qui vous permettra d’avoir votre déclaration d’impôts pré-remplie. Vous devrez néanmoins vérifier la concordance des chiffres avec l’IFU (Imprimé Fiscal Unique) fourni par votre banque.

Ce crédit d’impôt est en réalité une réduction d’impôt car il ne vous sera rien remboursé si vous ne payez pas d’impôts. A noter également, le décalage fiscal d’un an entre le paiement du dividende et la récupération des 15% de “crédit d’impôts”.

Je n’ai pas vérifié précisément mais il me semble assez logique que le taux de change EUR/CHF à utiliser pour convertir les montants est celui du jour de paiement des dividendes. Vous serez donc exposés à un risque de change sur le montant du crédit d’impôt entre la date de paiement et la date de prise en compte du crédit d’impôt sur vos revenus (environ un an). On est d’accord c’est un risque faible mais pour l’exercice j’essaye d’être très précis.

La procédure pour récupérer les 20% restant auprès du fisc Suisse

Cette procédure doit être réalisée une seule fois par an auprès des autorités fiscales suisses. Je vous suggère donc d’attendre que toutes les valeurs suisses de votre portefeuille aient payé leur dividende. Une fois les dividendes de l’année payés vous devez demander à votre banque (institut financier dépositaire de vos titres) qui gère votre CTO (Compte Titres Ordinaire) de vous fournir les documents suivants:

  • Tax voucher (bon fiscal)
  • Compte-rendus d’opération sur les valeurs suisses concernées par la demande de remboursement
  • Décompte de coupons relatif au paiement des dividendes
Une procédure qui n'est pas automatique

L’envoi de ces documents n’est pas automatique et il vous faudra parfois insister auprès de votre intermédiaire bancaire pour vous les fournir. Je n’ai pas trop d’inquiétude pour ce qui est des établissements bancaires français (banques de réseau et banques en ligne françaises), je suis cependant plus réservé concernant la capacité des plateformes de trading étrangères (Interactive Broker ou Saxo Bank) dans leur capacité à vous délivrer ces documents. Je n’ai pas encore eu l’occasion de le tester. Si parmi les lecteurs de cet article, certains ont la réponse à cette question il peuvent le partager en commentaire avec grand plaisir :-)

D’autres banques fixent un montant minimum récupérable pour l’envoi des documents. C’est le cas de BforBank par exemple qui fixe à 100 EUR le seuil minimum de retenue à la source récupérable pour envoyer les documents. Vous pouvez ainsi facilement calculer le notionnel minimum que doit avoir votre portefeuille d’actions suisses pour pouvoir réaliser cette procédure de récupération des dividendes.

Le formulaire 83

Une fois que vous avez récupéré ces documents vous devez télécharger (ou commander) le formulaire 83 sur le site des services fiscaux suisses. Ce document est à remplir et à imprimer en 3 exemplaires. Ensuite vous devez faire contresigner ces 3 exemplaires par votre centre des impôts afin de justifier votre statut de résident fiscal français. Un exemplaire du formulaire 83 sera conservé par le centre des impôts, un autre sera pour vous et enfin le 3ème devra être envoyé aux services fiscaux suisses à l’adresse suivante :

Administration fédérale des contributions AFC

Département fédéral des Finances

Division principale de l’impôt fédéral direct,

de l’impôt anticipé, des droits de timbre

Division Remboursement – Équipe 3

Eigerstrasse 65

3007 - Bern

Suisse

Faire un courrier complet aux autorités fiscales Suisses

Joindre à votre courrier les documents suivants :

  • Un exemplaire du formulaire 83 rempli et signé par vous et par les impôts français
  • Un RIB
  • Tax vouchers
  • Compte-rendu d’opérations sur titres suisses et décompte des coupons payés
  • Une lettre d’explication de votre demande de remboursement

Votre remboursement interviendra sous quelques mois sur votre compte en banque. A noter qu’il est possible de réclamer jusqu’à 3 ans de retenue à la source.

Vous comprendrez donc que la procédure est assez longue. Le temps passé pour la récupération de l’intégralité de la retenue à la source ne fait de sens que pour les portefeuilles suffisamment importants. Également, le choix de la banque pour acheter et conserver vos actions suisses ne doit pas être fait sur des considérations portant uniquement sur le coût de transaction. Il faut s'assurer de la capacité de votre intermédiaire à vous fournir les documents nécessaires. Investir en Suisse demande de la rigueur. Pour ceux qui le souhaitent, voici la procédure décrite par le bulletin officiel des impôts.

Une "niche fiscale" peu connue, celle des dividendes Suisses sous forme de "return of capital"

C’est une de ces “subtilités” fiscales que peu de personnes connaissent qu’ils soient particuliers ou même professionnels du secteur financier. Tout a commencé en Suisse le 24 février 2008 lorsque, par une très courte avance, la réforme de l’imposition des entreprises fut adoptée. Le point important qui nous concerne ici est que cette réforme permet aux actionnaires d’une entreprise de retirer les capitaux qu’ils ont injectés dans l’entreprise sans être imposés.

Investir en Suisse et percevoir un revenu entièrement défiscalisé!

Lors de l’entrée en vigueur de la réforme le 1er janvier 2011, un détail important figurait dans la circulaire publiée par l'administration fiscale fédérale helvète (cf. page 5). Cette nouvelle circulaire autorise de façon explicite le versement des dividendes à partir de réserves issues d'apports en capital. Pour résumer, les sociétés suisses peuvent par ce biais, payer des dividendes  totalement exonérés d'impôts à leur actionnaires. A noter que ces dividendes ne sont donc pas concernés par la retenue à la source de 35% ni par l’imposition française. Pas de prélèvements sociaux ni d’impôts sur le revenus, pas de PFU, rien !

Un revenu 100% sans impôts pour tous les actionnaires quelle que soit leur résidence fiscale!

Sur la centaine de sociétés que nous avons analysées, 21 ont payé en 2021 un dividende exonéré d’imposition sous forme de “return of capital”. La liste est disponible dans le fichier "Portefeuille actions Suisses" à télécharger.

Une analyse plus fine consisterait à estimer le nombre d'années pour lesquelles ces sociétés peuvent continuer de payer des dividendes de cette typologie en regardant leurs réserves disponibles. D’après ma compréhension ces réserves représentent principalement les augmentations de capital que ces sociétés ont pu faire depuis 1997.

Percevoir un tel dividende a de façon évidente ravi de nombreux actionnaires. Parmi ces sociétés, on peut citer Holcim qui a payé depuis 2011 sans discontinuité un dividende uniquement sous la forme d’un “return of capital”.


Dividendes historiques Holcim

D’autres sociétés comme Julius Baer ont choisi de payer seulement une certaine proportion sous forme de "return of capital”. L'autre partie est payée sous forme de dividende ordinaire.


Dividendes historiques Julius Baer

Le rendement synthétique réel pour l’actionnaire s’en trouve donc augmenté.

Exemple:

Holcim a payé en 2021 un dividende de 2 CHF sous forme de “return of capital”. Nous prenons un cours de référence de 55 CHF. On calcule le rendement brut qui est aussi égal au rendement net ainsi:

Rendement brut = 2 / 55 = 3,63%

Le rendement brut ajusté correspond au rendement équivalent ajusté des taxes si le dividende payé avait été un dividende ordinaire. 

Rendement brut ajusté = 3,63% / (1 - 30%) = 5,2%


Investir en Suisse et fiscalité des dividendes

Conclusion avant d'investir en Suisse

Accéder au portefeuille Actions Suisses

Placer son argent ou investir en Suisse et plus particulièrement dans des actions suisses ne s'improvise pas si on souhaite le faire de façon optimale. Nous sommes ici dans le cadre d’une stratégie d’investissement à long terme.

Il est préférable de choisir une banque en ligne française même si les frais de transaction sont plus élevés. Notamment pour des considérations administratives de déclaration d’impôt et de récupération de la retenue à la source sur les dividendes. Il faut que vous soyez imposable pour que la procédure de récupération du crédit d’impôt ait un sens. Le choix d'Interactive Broker pourra être cependant pertinent pour les patrimoine important afin d'utiliser les options de levier.

Si vous n’êtes pas imposable et que vous êtes résident français, il est préférable de se concentrer dans un premier temps sur l’optimisation de vos portefeuilles PEA et PEA-PME.

Pour un résident fiscal français, se constituer un portefeuille d’actions suisses sera selon moi optimal si:

  • Vous êtes imposable,
  • Vous souhaitez investir relativement rapidement un montant minimum de 50000 EUR
  • Idéalement dans une banque en ligne telles que Fortuneo ou BforBank.

Après ce long préambule, nous allons nous aborder la construction d’un portefeuille d’actions suisses optimisé dans ce deuxième article.

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Wambergue Jean-Juled 2024-03-03 17:17

Bonjour , Ma fille a récupéré de sa grand-mère des actions suisses ( Sté ABB ) elle est résidente fiscale française et souhaite récupérer 10000 € net de toute fiscalité . Combien de titres ABB doit-elle vendre ( environ ) ? Merci de votre réponse.

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Le 2022-04-28 19:11

Bonjour, Merci beaucoup pour cet article. Avez-vous un lien "officiel" qui confirme qu'il ne faut pas déclarer en France les dividendes Suisses qui ne prélève rien à la source à cause de "return of capital." Merci

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le 2023-05-07 19:11

Bonjour, Êtes-vous toujours convaincu qu''il ne faut pas déclarer en France les dividendes Suisses qui ne prélève rien à la source à cause de "return of capital." Merci

Yvan 2022-04-04 15:08

Bonjour , D’abord , le sujet est passionnant ,ainsi que l’idée brillante de la création de ces portefeuilles ” Suisse ” et on vous en remercie . Par curiosité j’ai fait quelques vérifications , non exhaustives évidemment , concernant en particulier les dividendes suisses nets d’impôts . D’abord le principe est assez cohérent car il s’agit de fonds qui ne sont pas générés par l’exploitation de l’entreprise et qui sont déjà taxés au niveau des associés ( par exemple sur leur impôt sur le revenu ) . Et il est facilement compréhensible que la restitution de ces apports sous forme de dividendes ne donne lieu à aucun impôt anticipé. Le dispositif concerne effectivement les nouveaux apports en capital ou alors les agios cad les souscriptions de nouvelles actions au-dessus du pair effectués après le 01/01/1997 . Il ne faut juste pas confondre avec le capital social (valeur nominale=pair ) et/ ou capital-actions déjà existants avant 1997 . A partir de 2011 on comptabilise directement et on retrouve ces éléments en tant que ” Réserves issues d’apports en capital ” . Passons aux chiffres issus de divers articles de gérants d’actifs suisses que j’ai retrouvé ( que je ne cite pas pour alléger le commentaire ) . Donc la part du dividende net d’impôt dans le free cash flow des entreprises du SMI uniquement , passe de 10% en 2011 et culmine en 2015 à 19% . Ensuite il s’établit à 9 % en 2018 . On peut aussi citer le fait que toutes choses étant égales par ailleurs, un dividende de 3% exonéré d’impôts est équivalent à un dividende ordinaire de 5% ( toujours en Suisse ) . De manière plus globale , selon une étude universitaire ( ” Choc fiscal au pays du chocolat : comment la Suisse s’est mise aux dividendes non taxés ” ) depuis 2011, ce sont plus de 140 entreprises suisses cotées qui ont recouru à ce dispositif. Et surtout , ce qui nous intéresse : ” les entreprises concernées disposaient, en moyenne, de réserves pour payer 7 ans de dividendes non taxés. ” Pour conclure ,on voit bien l’ idée suivante qui se dessine : ” Le remboursement d’agios ( et d’apports en capital ) n’a pas vocation à perdurer dans le temps. Il n’est pas éternel et bon nombres de sociétés ont déjà fini de le rembourser, comme ABB par exemple. ” ( Frédéric Vivien, Atlantic Financial Group ) . Evidemment , comme exposé dans l’article plus haut il y a aussi des contre exemples comme Holcim d’où l’intérêt d’une expertise du marché suisse pour identifier les sociétés concernées.

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Franck Béon 2022-04-04 15:09

Bonjour Yvan, Merci beaucoup pour ce commentaire très détaillé. Effectivement, comme vous le soulignez les dividendes “return of capital” sont issus d’un jeu comptable et n’est pas amené à pouvoir perdurer. C’est un avantage qu’il est intéressant de connaître sans que celui-ci ne doive prendre trop d’importance dans le processus de décision d’investissement. Mais l’effet est vraiment intéressant pour les bénéficiaires de ces dividendes entièrement défiscalisés. Je profite de votre commentaire pour notifier que suite à une remarque pertinente d’un professionnel suisse (qui s’est avérée fausse après démonstration cf. paragraphe dans l’article), le portefeuille proxy CHF a été très résilient lors du choc de janvier sur la devise CHF. J’ai donc rajouté un paragraphe avec l’explication dans l’article.

Gabriel 2022-04-04 15:08

Bonjour, Merci beaucoup pour ce nouvel article de grande qualité. J’en profite pour vous signaler, à mon sens, une erreur au niveau de la légende du graphique montrant l’évolution de l’euro et du dollar américain vis à vis du franc suisse : il s’agit de CHF/EUR CHF/USD en termes de “paires” et non pas EUR/CHF USD/CHF (car dans ce cas nous devrions avoir des courbes qui baissent sur la période à mesure que le franc suisse s’apprécie). Au plaisir de vous lire et encore bravo pour le contenu de grande qualité de ce blog.

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Franck Béon 2022-04-04 15:09

Bonjour et merci beaucoup pour votre commentaire et votre remarque tout à fait juste ! Je viens de corriger le graphique Merci beaucoup pour votre fidélité et vos encouragements pour notre site 🙏 Les sujets en préparation ne devraient pas vous décevoir. Si vous avez des sujets particuliers que vous souhaiteriez que nous abordions n’hésitez pas à nous en faire part.