Le Salvador adopte le Bitcoin comme monnaie officielle

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Le Salvador souhaite adopter le bitcoin comme monnaie officielle. Analyses et conséquences potentielles de cette révolution monétaire.

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Le 6 juin 2021, le président du Salvador, à l'occasion d’une conférence, annonce qu’il a l’intention d'établir le Bitcoin comme monnaie officielle du pays au côté du dollar américain. Une semaine plus tard, le vote est approuvé par l'assemblée faisant de ce petit pays d'Amérique centrale, le premier à adopter une monnaie non fiduciaire.

Malgré la taille limitée du pays, cette annonce est importante à plus d’un titre comme nous allons le voir.

Dans cet article, je vais tâcher d’entrevoir les conséquences de cette première.

Le Salvador, un petit pays

Le Salvador est un pays d’un peu moins de 7 millions d’habitants plus connu pour son café, son taux de criminalité élevé et pour être le pays d’origine de gangs violents sévissants en Californie.

Le pays dispose de peu de ressources naturelles et le revenu médian de la population s'établit autour de 1700 USD par mois. Le classant ainsi parmi les pays les plus pauvres de la région.

Ne produisant que peu de biens, le pays est net importateur ce qui rend sa balance commerciale largement négative. D’ailleurs, comme beaucoup de ces voisins du continent américain, le pays a subi une forte inflation causée, comme souvent, par le financement de politiques dispendieuses par le biais de la planche à billets.

Si nous rajoutons un climat politique assez instable, nous arrivons à un tableau assez peu réjouissant.

Problèmes d'inflation au Salvador et balance commerciale

Depuis 2001, le pays a adopté le dollar américain comme monnaie officielle afin de lutter contre l’inflation rampante. En effet, un pays qui ne possède pas sa propre monnaie ne peut pas faire tourner la planche à billet. Ce système impose donc une certaine discipline monétaire.

Cependant, comme nous l’avons vu plus haut, le Salvador a un déficit chronique de sa balance commerciale. Cela paraît donc être une très mauvaise décision de la part des politiciens locaux. Mais ce serait oublier les transferts provenant des expatriés qui correspondent à plus de 20% du PIB et qui redressent la balance.

J’en profite pour rappeler qu’il est abusif de parler de balance déficitaire, car, par définition, une balance est toujours équilibrée. La France par exemple, importe plus de biens et services qu’elle n’en exporte. Le reste étant constitué de dettes que nous vendons à l’étranger. C’est un privilège que les pays en voie de développement ne peuvent se permettre que rarement. La vente de la dette publique s'établit même comme la plus grosse exportation du pays. Autrement dit, les gouvernements ont vendu les impôts supportés par les générations futures aux investisseurs étrangers. Quand on est dénué de sens moral comme nos dirigeants, cela importe peu.

On peut donc se poser la question suivante:

Quels avantages le pays trouverait à utiliser une monnaie supplémentaire qu’il ne peut pas contrôler ?

Plusieurs réponses à cela.

Transferts d'argent des expatriés vers le Salvador

D’abord évaluons l’impact de ces transferts provenant des expatriés. Pour un PIB d'environ 30 milliards de dollars, 20%, soit 6 milliards, viennent de ces transferts. Ces derniers, appelés remittance en anglais, sont majoritairement réalisés par petits montants. De l’ordre d’une centaine de dollars et dont les frais sont en général de l’ordre de 10% à 30%. Grâce au Bitcoin, les expatriés peuvent envoyer instantanément et à des frais de moins de 2% les mêmes sommes d’argent. Certains services permettent également d’utiliser le réseau Bitcoin sans courir le risque de variation du cours. Rien que ces économies de frais représentent une hausse potentielle de 3% du PIB du pays. Clairement, ce n’est pas négligeable.

Taux de pénétration bancaire et de produits d'épargne versus taux de pénétration des smartphones

Ensuite, et cela est également vrai dans la plupart des pays en voie de développement, la majorité de la population ne possède pas les documents nécessaires à l'ouverture d’un compte en banque. Alors évidemment, je ne parle même pas d’une épargne !

L'épargne, c'est-à- dire le fait de sacrifier le plaisir présent pour un bénéfice à long terme, est littéralement ce qui distingue les riches des pauvres. Sans capacité d'épargne, aucun moyen d'échapper à la pauvreté. Certes, ce n’est bizarrement pas dans les plans de Madame Lagarde qui elle préfère l’inverse … Allez imaginer pourquoi...

Revenons à notre sujet. Même si peu de gens peuvent ouvrir un compte en banque, le taux de pénétration des smartphones est souvent supérieur à 80%. Armé de cet outil, les habitants ont ainsi accès, non seulement au plus grand réseau de transfert de valeur du monde, mais aussi à un système d'épargne non-censurable.

J'entends souvent les bobos geindre, telle Greta qui voit le CO2 dans l’air (un gaz incolore), prétextant que le Bitcoin ferait bouillir les océans. Selon moi, ils montrent ainsi leur parfaite indifférence voire même le mépris du sort de ces populations qui n’ont pas leur chance. 

J’ai de la famille en Argentine. Ces derniers ont déjà perdu deux fois l'intégralité de leur patrimoine à cause des politiques d’expansion monétaires. Bitcoin représente pour eux une porte de sortie et parfois même un moyen de survie comme au Venezuela.

La prochaine fois que quelqu'un vous explique comment bitcoin serait une abomination qu’il faudrait interdire, demandez-lui s’il vit bien le fait de supprimer l'opportunité de vivre dignement à des centaines de millions de personnes vivant sous des régimes autoritaires. Rien que pour cela, l'expérience Bitcoin a sa place dans notre monde. 

Ingérence des organisations internationales dans les décisions politiques du Salvador

Mais nos adorables bobos friands de quinoa et de cobalt extraits par des enfants pour leur Tesla ne sont pas les seuls à vociférer leur indignation. Avec la même hardiesse, les grands gardiens de l’ordre établi se sont empressés d’exprimer leur écœurement. Au premier rang desquels, nous trouvons le FMI qui n’a pas eu peur de dire que l’adoption de Bitcoin comme monnaie légale posait des problèmes légaux… Apparemment, selon nos ronds de cuir internationaux, un Etat souverain doit leur demander leur permission pour voter certaines lois.

Mais pour l’observateur attentif, rien de bien étonnant. Rappelez vous les saillies de l’hydre de la finance française, madame Christine Lagarde (encore elle décidément!) qui nous explique benoîtement que le Bitcoin, c’est mal car c’est une porte de sortie du système financier. Vous avez bien lu : un système qui permet de vous protéger de la voracité des Etats ou de la chute de la valeur de votre monnaie, doit être arrêté ! 

Si les objectifs des mandarins des organisations internationales n'étaient pas encore clairs, je vous conseille de relire notre article sur le grand reset et la série sur les monnaies numériques des banques centrales.

Un président douteux

Je pense que le Président Bukele aura énormément de mal à conserver cette loi. Les pressions seront énormes et l’histoire récente ne me permet pas d'être très optimiste. Pour rappel, les derniers pays ayant voulu se séparer du dollar étaient l’Iraq et la Libye …

Je n’ai aucun doute que le président du Salvador considère le Bitcoin comme une solution à certains de ses problèmes. Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un homme politique dont le coup de poker vient de le placer instantanément sur le devant de la scène internationale. Il peut ainsi s’agir d’une redoutable méthode pour négocier de très bons deals avec les organismes internationaux en échange de l’abandon de cette nouvelle loi qui menace directement le pouvoir des Etats Unis et de l’Europe.

Rappelons aussi, que le FMI comme la Banque Mondiale, sont des organisations politiques à but lucratif pour ses membres influents. Le FMI utilise ses prêts comme un moyen de forcer les Etats emprunteurs à appliquer certaines politiques, notamment facilitant l'entrée de grands groupes internationaux dans le marché local.

Une anecdote croustillante

Selon les règles de la Banque Mondiale, cette dernière est dans l’obligation d’accepter les monnaies ayant cours légal dans les pays souverains. Un journaliste de Forbes a découvert cette spécificité, quelques jours après que la Banque mondiale déclara qu’elle n'aidera pas le pays à implémenter le Bitcoin pour des raisons environnementales et de transparence. Quelle audace sachant que l’organisme finance des projets pétroliers. De plus, quoi de plus transparent qu’une blockchain dans laquelle toutes les transactions sont visibles de tous.

Une initiative qui pourrait faire tache d’huile

Suite à cette annonce, d’autres politiciens de petits pays ayant les mêmes problèmes de débancarisation ont évoqué leur intérêt. Des hommes politiques du Paraguay et du Panama sont même allés jusqu'à proposer des textes de loi. Cette solution est également intéressante pour les petites nations du pacifique qui reposent en grande partie sur les transferts venant de l’étranger.

Est-ce une bonne chose pour le Bitcoin ?

Les avis divergent sur ce sujet. Certains y voient le début d’une tentative de contrôle de la part des Etats ou que cela va accélérer les tentatives d’interdiction en occident. D’autres pensent que Bitcoin s'éloigne ainsi de ces principes. Personnellement, je trouve que c’est une bonne chose pour plusieurs raisons. D’abord l’usage de Bitcoin est optionnel. Seuls ceux qui voudront l’utiliser le feront et si cela s'avère bénéfique, l’adoption suivra naturellement. Ensuite, comme vu précédemment, cela pourra réduire significativement les frais de transferts. Egalement créer un cadre légal et fiscal favorable à l'innovation. Enfin, et c’est pour moi le plus important, cela offre la possibilité à une immense majorité de la population d’avoir accès à des outils financiers leur permettant d'épargner facilement.

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