Évolution des prix de l'immobilier en France et en Europe et conséquences de la crise économique du Covid-19, à quoi peut-on s’attendre ?
La pierre étant le placement préféré des français il semblait judicieux d'écrire sur ce sujet. Aussi, nous allons aborder la question avec une vision assez différente et allons développer sur la base de notre propre expérience d’investisseur. La crise liée au coronavirus a des conséquences fortes sur l'économie et nous allons dans cet article analyser ses conséquences sur les prix de l'immobilier en France mais aussi en Europe.
Pour essayer de prévoir l'évolution du marché immobilier que ce soit en France ou dans le monde il faut d’abord bien comprendre les facteurs qui influent le plus sur la valeur de cet actif dans le temps. Depuis plusieurs années, que ce soit sur Youtube, Facebook, Instagram ou d’autres réseaux sociaux, la fièvre de l’investissement locatif s’est répandue de façon prodigieuse. De nombreux néo-investisseurs veulent faire de l’immobilier. Monsieur ou Madame "tout le monde" s'improvise alors coach en investissement immobilier. La grande majorité n'a pour ainsi dire aucune expérience (ou presque). Ils n'ont surtout aucune compréhension profonde des mécanismes économiques sous-jacents.
Le rôle de la Banque Centrale Européenne dans l'évolution des prix de l'immobilier
Quel a été l'élément déclencheur de toute cette émulation autour de l’immobilier ? Pourquoi avons nous assisté à une telle euphorie ces dernières années ?
La réponse tient en trois lettres :
BCE (Banque Centrale Européenne).
Il faut bien comprendre et avoir conscience que le principal “carburant” du marché immobilier est le crédit. Si les banques venaient à fermer le robinet du crédit, le marché immobilier s'arrêterait net. Sauf éventuellement dans certains endroits où la demande est internationale et les prix plus dépendant du dollar US que de l'euro (Courchevel 1850, Saint Tropez, Monaco et ses environs, Paris 7ème arrondissement...). La hausse des prix également. Pour résumer, la hausse des prix de l’immobilier est une conséquence directe de la politique monétaire de la banque centrale.
Au cours des dernières années les banques françaises, notamment, ont beaucoup prêté aux particuliers. Ces prêts sont accordés principalement pour des projets immobiliers (investissements locatifs et résidences principales). Les critères d'acceptation sont devenus de plus en plus souples et les taux de plus en plus bas. Les banques prêtent parfois jusqu'à 110% du montant du projet (avec le financement des frais de notaire plus les travaux).
Ces montants records de prêts bancaires ont directement alimenté la hausse des prix de l’immobilier. Cette activité record pour les banques concernant les prêts immobiliers à des taux si bas a été rendue possible par les actions et les QE (Quantitative Easing) successifs de la BCE.
Mais pourquoi les taux d'intérêt ont-ils baissé et sont-ils si bas ?
Un point important à comprendre est que le niveau des taux d'intérêts des prêts immobiliers proposés par les banques françaises est grossièrement dicté par le niveau des OAT françaises. La référence utilisée pour les Obligations d’Achat du Trésor (titres de dettes de l’Etat Français) est la maturité 10 ans avec environ 6 mois de décalage.
Lorsque la BCE lance ses QE sous la forme de programmes de rachat de dettes souveraines, elle va acheter entre autres des OAT Françaises. La conséquence directe est que le prix de ces obligations va augmenter sous l’effet de la pression acheteuse de la BCE. Lorsque le prix d’une obligation monte, son taux de rendement implicite diminue (cf graphique ci-dessous). Voilà pourquoi la BCE est la responsable directe des taux bas. Et donc de la hausse immobilière qui a gagné tous les pays d’Europe et pas seulement la France.
Evolution du taux des Obligations d'État français à 10 ans (OAT)
Le rôle des banques dans l'évolution des prix de l'immobilier
Vous pourriez argumenter que ce n’est pas uniquement la faute de la BCE. Car effectivement ce sont bien les banques qui nous prêtent de l’argent pour acheter cet immobilier. Donc que les banques ont aussi leur part de responsabilité dans ce processus. Et vous auriez totalement raison !
Un des gros problèmes des banques aujourd’hui est que vos dépôts bancaires (l’argent qui est sur vos comptes courants par exemple) leur coûtent très chers. Environ 0,40%, car la BCE a fixé la rémunération des dépôts court terme en négatif (comprenez au taux d'intérêt négatif). Pour l’instant les banques ne répercutent pas ce coût sur les comptes des particuliers mais c’est juste une question de temps. Avec des taux court terme négatifs et des taux long terme très bas les banques voient leurs marges diminuer très fortement. L'environnement est de plus très concurrentiel. Du coup, elles essayent de compenser la baisse de leurs marges en augmentant le volume des prêts qu’elles accordent. CQFD.
Chronologie récente du marché immobilier européen
La suite logique peut donc être résumée de la façon suivante
- Les pays de la zone euro ont du mal à payer les intérêts sur leurs dettes souveraines
- Pour les aider la BCE intervient avec ses QE en rachetant les dettes souveraines et en baissant les taux court terme
- Les taux d'intérêt court terme sont négatifs
- Les taux d'intérêt long terme baissent fortement et peuvent suivant les pays être négatifs selon les maturités
- Les banques voient leurs marges baisser fortement du fait de la courbe des taux très basse et plate
- Les références de taux utilisées (OAT 10 ans pour la France) pour fixer les grilles de taux pour les prêts immobiliers baissent très fortement
- Les banques peuvent donc proposer des prêts bancaires avec des taux très bas
- Pour compenser la baisse de leurs marges les banques augmentent le volume des prêts accordés
- Les français se voient proposer des conditions d’emprunt historiquement basses
- Les français empruntent massivement pour acheter de l’immobilier (résidence principale et investissements) ce qui fait donc monter les prix de l’immobilier
- De nombreux “coach”, “formateurs” croient avoir découvert l’eau chaude, l’argent magique et facile. Ils vous proposent de leur acheter leur formation pour vous apprendre à emprunter de l’argent auprès de votre banque pour investir dans l’immobilier. A partir de ce moment il faut être encore plus vigilant.
Comment la crise économique va-t-elle impacter les prix de l'immobilier en France et en Europe ?
Pour être tout à fait honnête nous ne savons pas. Nous avons bien des intuitions mais cela reste des intuitions. Ce que nous voulons ce sont des faits et des démonstrations logiques pour nous permettre de prendre des décisions rationnelles et non émotionnelles.
“Quand le sage désigne la lune, l'idiot regarde le doigt”
Dans notre contexte l’idiot est celui qui regarde le marché immobilier pour essayer de comprendre son évolution.
Si vous souhaitez essayer d'appréhender l'évolution du marché immobilier dans les mois et années à venir et que vous avez bien suivi la suite logique de cet article, il serait sage de savoir comment le carburant continue ou pas d’alimenter le marché immobilier. Dit autrement, vous devez vous tenir au fait de toutes les décisions de la BCE et des changements de politique d’octroi des prêts. Un durcissement des conditions d'accès au crédit aurait des conséquences fortes sur les prix... Inexorablement.
L'immobilier bénéficie d'une inertie forte
L’inertie du marché immobilier est forte à l’inverse du marché actions. C’est-à-dire que les prix s’ajustent lentement et sur des durées assez longues (plusieurs mois ou années typiquement). A l'inverse le prix d’une action peut s’ajuster en quelques minutes, voire quelques secondes.
Il est encore trop tôt pour prédire quelle sera la tendance sur l’immobilier en France et en Europe. Du côté de la BCE, les programmes de rachat de dettes souveraines continuent et se sont même amplifiés avec la crise. Cela permet de garder les courbes de taux à des niveaux très bas.
Être attentif au comportement des banques
Dans l'hypothèse où la monnaie unique perdure. Alors la BCE fera tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir les taux le plus bas possible. Le but étant que des pays tel que l’Italie ne fassent faillite. L’inconnue est surtout du côté des banques. Car elles sont sous la pression des gouvernements pour privilégier les financements d’aide aux entreprises plutôt qu’aux particuliers pour l’immobilier. Cela se traduit déjà par une hausse légère de leurs grilles de taux qui restent cependant à des niveaux toujours historiquement bas.
Reste à savoir si les banques seront plus strictes sur leurs conditions d’octroi de prêt. Dans de prochains articles nous analyserons la corrélation entre la hausse du total des encours de prêts en France et la hausse de l’immobilier pour tenter d’estimer le comportement de l’immobilier à venir.
Conclusion
Nous conseillons donc d'être patient et de ne pas se lancer dans des projets trop audacieux actuellement. Mais restez très attentif car étant donné l’ampleur de la crise et l’inertie du marché de véritables opportunités devraient commencer à apparaître à partir 2021. Observez avec attention les marchés immobiliers qui étaient fortement dépendant des activités touristiques avec Airbnb. De facto avec la baisse de l'activité touristique, cela risque de mettre à mal certains investisseurs. On peut citer certaines villes du littoral, stations balnéaires ou la zone autour d’EuroDisney par exemple. Pour ce qui est des autres pays d’Europe observez ce qui se passe en Espagne (Barcelone, Ibiza, Marbella…) au Portugal (Cascais, Lisbonne, Algarve…) ou encore l’Italie ou la Grèce. Même sans passer à l’action, l’observation va vous apprendre beaucoup. Cela vous permettra d'être prêt le moment venu.
Bon à savoir pour les investisseurs immobiliers
La politique de la BCE est commune à toute la zone euro. Par contre la politique d’octroi des prêts immobiliers est propre à chaque banque. Et par voie de conséquence à chaque pays. Si dans un pays, une politique d’octroi des prêts venait à fermer drastiquement le robinet du crédit, l’immobilier baisserait alors fortement. Cela pourrait créer des opportunités d’arbitrage entre pays pour les investisseurs aguerris.