La "surveillance economy", c’est un sujet de plus en plus souvent évoqué et qui fait peur. Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Notre analyse.
La "surveillance economy", de quoi s’agit-il vraiment?
Ce terme est “surveillance economy” ou bien “surveillance capitalism”, mais ces derniers sont assez réducteurs et plutôt mal nommés.
Tout a démarré suite à l’explosion de la bulle Internet dans les années 2000. Google, à cette époque, n’avait pas de business model solide pour monétiser son moteur de recherche. Les actionnaires en situation délicate avec la crise ont fait pression sur la société pour qu’elle commence à engranger des revenus de son important trafic.
C’est ainsi que Google est allé puiser dans les gigaoctets de données que ses utilisateurs laissaient chaque jour. Ces données permettaient d’alimenter des algorithmes permettant de prédire certains comportements et donc de cibler les publicités.
Hors, le prix d’une publicité dont la clientèle est ciblée est beaucoup plus élevé que celui d’une publicité touchant un large public mais aléatoirement. Prenons l’exemple de la télévision. L’annonceur vendant des couches pour bébé sur le petit écran a une idée de la catégorie de téléspectateurs suivant l'heure de la journée. Mais rien à voir avec la précision du ciblage de quelqu’un faisant une recherche pour des produits pour bébé. Google était donc assis sur une mine d’or mais ne l'exploitait pas jusqu'à ce moment là.
Les annonceurs comprenant rapidement la puissance du produit ont laissé à l’algorithme de Google le soin de choisir où les publicités seraient placées. Autrement dit, à qui elles seraient montrées.
Le succès a été fulgurant.
Ceci fut confirmé à la publication des comptes de Google lors de son introduction en bourse. Tout le monde voulait alors transformer son business et monétiser les quantités gigantesques de données.
Les données personnelles au cœur de la "surveillance economy"
Le business de Google est donc de monétiser les données personnelles. Pour cela, Google a besoin de toujours plus de données. La méthode choisie est extrêmement efficace. Fournir un service “gratuit” (comme gmail ou Google Maps), collecter les données et en extraire les informations intéressantes pour les annonceurs.
Tout ce que vous faites en ligne contribue à enregistrer des informations sur vous. Que ce soit sur votre ordinateur, votre navigateur, votre téléphone portable, vos caméras de surveillance, vos assistants intelligents (comme Siri d’Apple ou Alexa d’Amazon) engrangent sans cesse de l’information.
Celle-ci permet ensuite de prédire certains comportements humains permettant ainsi un ciblage précis des clients.
L’enjeu de ce business model est la quantité et la variété des données extraites. En effet, pour nourrir les algorithmes de prédiction, il faut beaucoup de données. Et plus ces dernières s'étendent à de vastes domaines, plus vaste est l'univers des annonceurs potentiels intéressés.
Tout ceci semble au final assez anodin. Hormis le fait qu’il n’est pas évident pour la majorité des utilisateurs que leurs données soient utilisées parfois de manière très opaques. Le fait que Google puisse prédire ce que nous allons acheter et ainsi mettre sur la page la bonne publicité est plutôt attractif du point de vue de l’utilisateur.
De la collecte des données à la manipulation de groupe la véritable puissance de la "surveillance economy"
Mais derrière ceci, il existe une vérité plus subtile et beaucoup plus effrayante. Car, si on est capable de prédire les actions d’une personne, il devient aussi possible d’influencer ses choix. Voire même de contrôler le comportement des individus dans la direction voulue.
Il s’agit bien là de manipulation et les premiers scandales sont apparus lors des élections américaines. C’est lors de l'élection de Barack Obama que ce ciblage a d’abord été utilisé. Dans le cas d’une élection, il s’agit toujours de faire pencher pour votre camp les nombreux indécis. Le pouvoir des sociétés comme Google devient alors monumental. Rien ne les empêche de favoriser un candidat au détriment de l’autre. Il suffit d'ajuster de manière adéquate les algorithmes. Plus besoin de généreuses donations aux partis. Ces grands groupes ont à leur portée un outil de manipulation des masses bien plus efficace.
Ces géants (les GAFA) ont une position dominante sur Internet. La notion même de démocratie peut se retrouver en danger. Car elle repose sur un accès généralisé à l’information par le biais des différents médias .
Il y a un autre problème face à cette situation monopolistique. Il devient en effet très compliqué pour une personne souhaitant un respect de sa vie privée d’avoir accès à ces nombreux services. Nous connaissons bien ces situations en France avec des monopoles comme EDF. À la différence que le fournisseur d’électricité n'a pas le pouvoir d’influencer mes choix!
Conclusion
Ce respect de la vie privée par les sociétés et les gouvernements est un pré-requis fondamental pour maintenir une société libre. L'ère du digital nous confronte à de nouveaux dangers dont il faut être conscient afin de les combattre.
Nous mettrons souvent l’accent dans nos articles sur la préservation de ce droit. Mais aussi sur les façons de se prémunir des effets indésirables.
Imaginez l'efficacité qu'auraient pu obtenir les polices politiques lors de la guerre froide si elles avaient possédées ce genre d’outils. Ceci devrait vous donner quelques frissons.